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INTRODUCTION **

III

HISTOIRE DE LA PIÈCE

Comment Corneille ful-il conduit à écrire Horace après le Cid, et pourquoi l'écrivit-il si longtemps après? On a déjà ré- pondu à la première question. 13opuis le vieux Garnier jus- qu'à Mairet, auteur de celte Sophojiisbe qui fut représentée sept ans avant le Cid, les auteurs dramatiques s'étaient en- goués de Rome et des Romains. Alors même qu'ils emprun- taient leurs sujets à la mythologie ou àl'histoirede la Grèce, c'est aux Romains, et aux Romains de la décadence, qu'ils de- mandaient les ornements nécessaires pour égayer la simpli- cité grecque, trop nue à leur gré. L'Hcrcu'e mourant àe ï\o[roa, sa première tragédie, comme Médcc, la première tragédie de Corneille, est imitée de Sénèque, el, plus lard, c'est encore Sé- nèque et Stace que Rotrou imileia dans son Antigone, alors qu'il eût pu s'inspirer de Sopliocle. L'année même d'Horace, ce généreux émule de Corneille, le seul de ses rivaux qui soit resté son ami, faisait représenter une tragédie romaine ou qui du moins prétendait l'êlre, Grisante. On y voyait, devant le tribunal du général romain Munilius, Cassius, son lieutenant, se donner la mort pour se punir d'avoir sacrifié l'honneur du nom romain à la satisfaction d'une passion fougueuse, et s'écrier en mourant:

dieux, soyez témoins Que ce coup est celui que je ressens le moins, Et que, rendant l'esprit, ma plus sensible peine Est d'avoir dérogé de la vertu romaine. Et de quitter le monde, indigne de ce nom Qui s'est par mes aïeux acquis tant de renom *.

L'adversaire des Romains, leroi Antiochus, outragé par eux, ne se frappait pas avec moins de courage et ne tenait pas, au moment d'expirer, un langage moins fier:

Là-bas, d'aucun souci l'esprit ne se consomme; On s'y trouve à couvert des injures dé Rome; On n'y relève point de l'empire latin, Et César quelque jour aura même destin •,

1. Grisante, III, 6. f. Ibid. IV 5.

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