Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/375

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INTRODUCTION 11

mais arouons aussi que, à un point de vue plus humain, Félix a raison. Oui, les chrétiens étaient des rebelles, des « ennemis communs de l'État et des dieux», selon le mot de Stratonioe', car s'attaquer à la religion, c'était s'attaquer à l'État, qui en était inséparable, et c'est sur les ruines de l'Étal romain que l:^ christianisme a définitivement triomphé : « Tandis qu'autre- fois chaque homme s'était fait son dieu et qu'il y en avait eu autant que de familles et de cités, Dieu apparut alors comme un être unique, immense, universel, seul animant les monde et seul devant remplir le besoin d'adoration qui est en l'homme. Le christianisme n'était la religion domestique d'aucune famille, la religion nationale d'aucune cité ni d'aucune race. Il n'appartenait ni à une caste ni à une corpo- ration. Dès son début il appelait à lui l'humanité entière. Avec l'unité de Dieu l'unité de la race humaine apparut à tous les esprits; et ce fut dès lors une nécessité de la reli- gion de défendre à l'homme de haïr les autres hommes. Pour ce qui est du gouvernement de l'État, on peut dire que le christianisme l'a transformé dans son essence, précisément parce qu'il ne s'en est pas occupé. Dans les vieux âges, la re- ligion et l'État ne faisaient qu'un : chaque peuple adorait son dieu et chaque dieu gouvernait son peuple; le même code réglait les relations entre les hommes et les devoirs envers les dieux de la cité. Au lieu de cela, Jésus-<".hrist enseigne que son empire n'est pas de ce monde. Il sépare la religion du gouvernement*. »

De là une transformation nécessaire des mœurs et du droit. On le voit, M. Duruy n'exagère rien, lorsqu'il appelle les chré- tiens « les plus grands révolutionnaires que le monde ait jamais connus' ». Révolutionnaires, ils l'étaient, non seule- ment par l'esprit, mais par les procédés, par le caractère exclusif, autoritaire, violent de leur foi dans ses manifesta- tions extérieures. En face du polythéisme, tolérant par indiffé- rence, le monothéisme se dressait, intolérant et agressif, semblait-il, par chaleur de conviction. En ce même troisième siècle où Polyeucte renversait les idoles, Alexandre Sévère au rang de ses dieux domestiques mettait le Christ, entre Apollo-

��1. Polyeucte, III, 2.

2. Fustel de Coulanges, La cité antique, V, 3. Nous ne saurions trop recom- mander aux élève ■ la lecture de f e livre, d'ailleurs classique.

3. Histoire des fomains, t. III. Voyez la Religion romaine de M. Boissier. On y montre avec ne admirable netteté comment les progrès de la philosophie païenne ont pormi» \\n. espiits éclairés de rester plus longtemps Gdèles au paga- nisme, comment pourtant le christianisme a continué et achevé cette xavrc imparfaite des philoitbphes.

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