Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/414

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

50 POLYEUCTE

ses plus Unes pratiques ! il en a « tant vu de toulesles façons ! » Comme il juge les autres d'après lui-même, il ne comprend rien, ni à la persévérance héroïque de Polyeucte, ni à -la géné- rosité désintéressée de Sévère, ni au dévouement conjugal de Pauline. Imperturbable dans sa confiance en lui-même, il imagine mille petits moyens de désarmer ces grandes âmes. A quoi donc aboutissent ces calculs mesquins dont l'effet lui semble d'avance infaillible? Polyeucte meurt, Sévère s'irrite, Pauline reparait baptisée par le sang de son mari. Tout croule à la fois autour de Félix, et il est heureux pour lui que la grâce lui épargne la gêne d'une situation fausse. Dans cet embarras de Félix, aremarqué Sainte-Beuve*, il y a une teinte de comique qui repose, et l'on serait tenté de lui appliquer \e pauvre homme! de Molière, ou cette maxime de La Roche- foucauld, qui est comme la morale de ce caractère ; « Le vrai moyen d'être trompé, c'est de se croire plus fin que les autres ^. »

Ce sombre drame avait besoin d'être égayé par ce sourire. « Corneille, plus qu'aucun autre poète, a mis des contrastes dans seslragédies, non pas seulement le contraste des passions qui fait le fond nécessaire des tragédies, ou celui des bons et des méchants, de la vertu persécutée par le vice, mais le con- traste de la grandeur et de la bassesse, qui, selon une poé- tique étroite, est moins propre à la tragédie. Étendant le cercle du drame, c'est-à-dire de l'imitation de la vie humaine, Cor- neille a mis sur son théâtre, comme dans le monde, des per- sonnages petits et bas à côté des personnages grands et gé- néreux : Félix, dans Polyeucte, à côté de Pauline, de Polyeucte et de Sévère; Prusias, Arsinoé et Flaminius, dans Nicomède^ à côté de Nicomède et d'Âttale ; Plolomée et Cléopàlre enfia dans la Mort de Pompée, à côté de Cornélie et de César ^. « A. ces noms il en faudrait ajouter plusieurs autres comme do Fernand dans le Cid, Aristie dans Sertorius et surtout Valen dans Théodore, car c'est Corneille lui-même qui nous ea avertit : « Le caractère de Valens ressemble trop à celui de Félix dans Polyeucte et a même quelque chose de plus bas en ce qu'il se ravale à craindre sa femme Marcelle et n'ose s'opposera ses fureurs, bien que, dans l'âme, il tienne le parti de son fîls^ » Marcelle et Arsinoé jouent, en effet, près do Yalens et de Prusias, le rôle que Molière fera jouer à se»

��1. Port-Royal, I, 6.

2. Maximes, 127.

3. Saint-Marc Girardin, Cours de littérature dramajUqfflf,

4. Examen de Théodoie,'

�� �