Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION 3»

lif de Corneille. Allant plus loin même, cette fois, que Lelvain, elle rétablissait au 11'= acle d'Horace une leçon que Corneille lui-même avait corrigée dans l'édition de 1660. Au lieu de . « Iras-tu, ma chère âme"? » le poète, pris d"un scrupule exces- sif, faisait dire à Camille : « Iras-tu, Curiace? » Avec raison. M'^^ Clairon n'accepta point ce changement, qui refroidissail une touchante apostrophe. Elle crut que, si les mots avaient vieilH, le sentiment était resté vrai; c'est le sentiment qu'elle s'efforça de rendre et qu'elle rendit avec une énergie dont le* applaudissement la récompensèrent.

Au contraire, ce n'est pas dans les scènes de tendresse, c'est dans les scènes émouvantes du IV« acte, que M"^ Rachel déployait tout son j^énie. Dans la scène ii, où Valère raconte au vieil Horace la hn du combat, Camille désespérée laisse échapper un cri, un seul cri : Hélas! puis se renferme dans un morne silence, qu'il est embarrassant pour une actrice de soutenir jusqu'au bout. La tragique attitude de M"^ Rachel, affaissée sur son fauteuil, presc^ue sans connaissance, son regard fixe, son geste incertain rendaient ce silence éloquent, et concentrait sur elle l'attention, à un moment où Rome triomphante semble écraser tout ce qui n'est pas elle. « Je tiens de M"<= Rachel elle-même, dit un contemporain', que ce fut à un état de malaise physique qu'elle emprunta l'idée et les moyens d'exécution de celte pantomime : elle venait dêtre saignée, et elle ne fit que reproduire sur le théâtre l'abattement profond et les menaces douloureuses de syncope qu'elle éprouva. » Mais elle se réveillait dans le monologue qui suit, et surtout dans la scène des imprécations. Elle y élait si belle qu'après l'avoir entendue, trop sûrs de ne pas la revoir, Içs sjjottalcnrs quittaient souvent le théâtre, sans éi'nu- 1er les scènes du ¥*= acle, « qui sont comme nourries de !a substance mêinc de Tilc-l.ive- ». C'est le 12 juin 1838 qu'elle- avait fait son début au théâtre, dans ce rôle même de Camille. 11 y a près d'un demi-siècle de cela, et la génération contem- poraine n'a pas vu naître d'autre Rachel.

IV

L'ACTION ET LES CARACTÈRES

Le second chef-d'œuvre de Corneille doit-il s'intituler Horace ou les Horaces? Au xvn* et au xvin^ siècles, on écrivait inditfé'

1, M. Véi'on : Mémoires d'un bourgeois de Paris. i. M Desjardins : le grand Corneille historié^.

�� �