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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/484

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120 POLYEUCTE

« Quoi ! lui dit Polyeucte en élevant sa voix, 835

» Adorez-vous des dieux ou de pierre ou de bois? »

Ici dispensez-moi du récit des blasphèmes

Qu'ils ont vomi tous deux contre Jupiter mêmes.

L'adultère et l'inceste en étaient les plus doux.

« Oj'ez, dit-il ensuite, oyez, peuple ; oyez tous :. 840

» Le Dieu de Polyeucte et celui de Néarque

» De la terre et du ciel est l'absolu monarque,

» Seul être indépendant, seul maître du destin,

» Seul principe éternel, et souveraine fin.

» C'est ce Dieu des chrétiens qu'il faut qu'on remercie 845

)) Des victoires qu'il donne à l'empereur Décie;

» Lui seul tient en sa main le succès des combats;

» Il Je peut élever, il le peut mettre à bas ;

» Sa bonté, son pouvoir, sa justice est immense;

» C'est lui seul qui punit, lui seul qui récompense. 830

838. Mêmes est ici adverbe comme dans les variantes des v. 670, 1247, 1G81. Ménage, dans son Diclionnaire étymologique, montre que c'était roi'thngraphe constante de même, adverbe. Vaugelas, dans ses Remarques, dit qu'il faut ?né/«ei avec un s, quand mêmes est proche d'un substantif pluriel.

Jusqu'ici la fortune et la victoire mêmes

Cacliaient mes ctieveux blancs sous trente diadèmes. (Mithridate, 1039.)

840. Yar. Oyez, Félix, snit-il, oyez, peuple, oyez tous. (1613-1656.)

Corneille et ses contemporains emploient, plus souvent que les écrivains modernes, le verbe ouïr, surtout à l'impératif.

Oyez ce que les dieux vous font savoir par moi. (Cinna, 17BB.)

843. Var. Seul maître du destin, seul être indépendant,

Substance qui jamais ne reçoit d'accident. (1613-1656.)

844. « Quod colimus, Deus unus est, qui totam molem istam cum omnieleraen- torura instrumento, corporum, spirituum, verbo quo jussit, ratione qua disposuit, virtutc qua potuit, de nihilo exprcssit in ornamentum majestatis suae, unde et Graeci noraen mundo xôffiAov acconimodaverunt. Invisibilis est, etsi videatur; incomprehensibilis, etsi per gratiam reprresentetur ; insestimabilis, etsi humanis sensibus eestimetur. ' Ideo verus et tantus est. « (Tertdllifn, Apologétique, ch. ivii.) — « Tu in caelo summam potestatem dividi credas, et scindi veri illius ac divini imperii tantam potestatem, quura palam sit parentem omnium Deum nec principiura habere, nec terminum, qui nativitatem omnibus praestet, sibi perpetuitatem. » (Minutius Félix, Octavius.)

848. Mettre à has, ou mettre bas, très énergique alors, et point aussi familier que le croit Voltaire, pour renverser. Corneille dit ailleurs : « jeter des partis à bas » {Horace, 70), « jeter la tyrannie en bas » {Sertorius, 320). Longtemps après Racine dira dans une langue un peu mieux polie :

Des plus fermes États la chute épouvantable.

Quand il veut, n'est qu'un jeu do sa main redoutable. {Esther, III, 4.)

Balzac avait écrit déjà: « Il est très vrai qu'il y a toujours quelque chose de divin, disons davantage, qu'il n'y a rien que de divin dans les maladies qui travaillent les Etats. Dieu est le poète et les hommes ne sont que les acteurs. »

ISocrate chrétien, VIII.) C'est la gr.inde idée qui dominera tout ie Discours sur 'histoire universelle de Bossuet. $49. II n'est pas rare de rencontrer chez Corneille et chez ses contemporains

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