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126 POLYEUCTE

Voyez-vous qu'avec lui vous perdez votre fille ?

FÉLIX.

Les dieux et l'empereur sont plus que ma famille. 030

PAULINE,

La perte de tous deux ne vous peut arrêter 1

FÉLIX.

J'ai les dieux et Décie ensemble à redouter.

Mais nous n'avons encore à craindre rien de triste :

Dans son aveuglement pensez-vous qu'il persiste ?

S'il nous semblait tantôt courir à son malheur, 93S

C'est d'un nouveau chrétien la première chaleur.

PAULINE.

Si vous l'aimez encor, quittez cette espérance

Que deux fois en un jour il change de croyance :

Outre que les chrétiens ont plus de dureté,

Vous attendez de lui trop de légèreté. 940

Ce n'est point une erreur avec le lait sucée,

Que sans l'examiner son âme ait embrassée :

Polyeucte est chrétien parce qu'il l'a voulu,

Et vous portait au temple un esprit résolu.

Vous devez présumer de lui comme du reste : 945

Le trépas n'est pour eux ni honteux ni funeste;

Ils cherchent de la gloire à mépriser nos dieux ;

Aveugles pour la terre, ils aspirent aux cieux;

930. Si Félix était tout à fait sincère, il dirait : l'empereur et les dieux; «ar sa vraie religion est celle do l'aulorilé.

935. Tantôt, récemment ; voyez le v. 809.

936. Chaleur, ardeur, soit de la foi, soit de la colère, soit de toute passion ?ive :

L'irréparablo elTot d'une chaletir trop prompte Déshonorait mon pcro et le courrait de honle. {Cid, 973.) J'écoule uno ohaUur qui mêlait défendue. (Rodajune, 1016.) D'un couL'able transport écoutant la chaleur. {Iplitgénie, V, 2.)

939. Pourquoi donc Voltaire bannit-il du langage tragique la tournure otitre que, un peu lourde, il est vrai, mais que Corneille sait relever par remploi qu'il en fait?

Outre que le succès est encore à douter,

Que l'on peut vous Iraliir, qu'il peut vous résister.

■Voyez le v. 617. — Plus de dureté, sous-entendu : que vous ne leur en croyez. En certains passages des tragiques, plus a le sens de trop; le sens serait, dès lors : Polyeucte a trop de fermeté pour changer de croyauje.

9iO. Nathalie dit aussi d'Adrien, dans Rotrou :

Je connais trop son cœur; j'en sais la fermeté,

Incapable de crainte et de légèreté. (Saint Genest, III, B.)

943. Avec outre que, parce que est banni par Voltaire, qui, dans ses Remarques sur Itodaf/une^ juge cette conjonction dure et sourde à l'oreille, 11 nous semble que ce beau vers est une réponse suiflsante à sa critique.

9-i5. Du reste, sous-entendez ; des chrétiens.

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