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!4f POLYEUCTE

Et ce nom, précieux encore à vos Romains,

Au bout de six cents ans lui met l'empire aux mains, 1210

Je dois ma vie au peuple, au prince, à sa couronne ;

Mais je la dois bien plus au Dieu qui me la donne:

Si mourir pour son prince est un illustre sort,

Quand on meurt pour son Dieu, quelle sera la mort!

PAULINE.

Quel Dieu !

POLYEUCTE.

Tout beau, Pauline : il entend vos paroles. 1215 Et ce n'est pas un Dieu comme vos dieux frivoles, Insensibles et sourds, impuissants, mutilés. De bois, de marbre, ou d'or, comme vous les voulez: C'est le Dieu des chrétiens, c'est le mien, c'est le vôtre ; Et la terre et le ciel n'en connaissent point d'autre. ■1220

1215. Tout beau, a Cette expression, fréquente dans Corneille, s'employait pour arrêter quelqu'un, le retenir, le faire taire : « Et voulant interrompre « lorsque M. Galiot opinoit, Monsieur de Saiut-Pol me fit un signe de la main et « me dit : Tout beau ! ce qui me fil taire. » (Mostluc, Commentaires, livre II.) Par mallieur, les chasseurs se servent de cette locution en parlant aux chiens couchants, lorsqu'ils veulent les empêcher de pousser les perdrix qu'ils ont arrêtées : cela a suffi pour la faire considérer comme triviale et déplacée dans le style élevé. » (Lexique de l'édition Régnier.)

Tout beau, la loi d'honneur vons dùfend la surprise. (RfiTaon, Clarice, V, 12.)

Tout beau, no les pleuiez pas tous. (Ùoracc, 1009.)

Tout beau, ma passion, devisris un peu moins forte. [Cinna, 125.) Tout beau, Flaminius, je n'y suis pa.s encore. {Nicomcdc, 1388.)

« Cette locution, trop peu noble, même pour une conversation familière, perd ea bassesse dans un dialogue sublime ; dépouillée de son caractère personnel, elle n'est plus que le signe d'une idée qui nous touche, l'expression forte et na- turelle d'un sentiment vif, et, pourvu qu'elle nous le représente bien, tout le reste est écarté. » (Gnizox, Corneille et son temps.)

1218. Dans l'Imitation, Corneille dira de même :

Vos dieux n'ont point de bras à lancer le tonnerre. Gentils, ils ne sont tous que simulacres vains : C'est do l'or, do l'argent, du bois et de la pierre

Qui tient sa forme de vos mains. Vous leur faites des yeux, vous leur faites des bonche» Qui ne savent que c'e.^t de voir et de parler. Et leurs plus vifs regards sont bénins ou farouches

Comme il vous plaît les ciseler. [Psaume cxui.)

Le Genest de Rotrou répond à Marcelle, qui le presse d'abjurer sa fol t

Vous verrez si des dieux de métal et de ])ierre Seront puissants au ciel comme on le croit eu terre, Et s'ils vous sauveront de la juste fureur D'un Dieu dont la croyance y passe pour erreur. (V, 3.)

Avant euî,.Sedulius, prêtre et poète du v' siècle, écrivait t

Heu ! miseri, qui vana colnnt, qui corde sinistre

Heligiosa sibi scnlpuiit simulacra

Lignée, ligna rogas, surdis clamare yi ^«r«ft-

▲. matis responsa petis.

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