Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/61

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LNTRODUCTION 4Î

conscrit qui combat et meurt, malgré Im, pour elle. A l'occa- sion, sans doute, le conscrit pourra se révéler liéros; mais il ne le sera point tout d'abord, par l'élan spontané de sa nature.

On accuse l'inintelligence, la vanité fanfaronne, la cruauté d'Horace'. C'est, dit-on, un héros antique dans la peau d'un soudard féroce et épais, un être] borné dont l'étroite cervelle n'admet qu'une idée, celle de la grandeur de Rome. Nous n'examinerons pas la part qui peut être faite à la volonté dans cette obstinalion à ne voir qu'une idée, à s'abstraire de tout ce qui n'est pas elle, à ne suivre qu'elle, mais à la suivre jusqu'en ses dernières conséquences. Non : il est certain qu'Horace manque de larg-eur d'esprit et de tact, qu'il est gauche et assez grossier avant d'être criminel. Mais, lors même qu'il aurait les qualités de délicatesse et de finesse qui lui manquent, quel usage en ferait-il dans la situation où il est placé? On ne raisonne pas sous les armes, et l'exercice même de l'intelligence est souvent déplacé dans l'exécution machinale de la consigse. Entendue et acceptée comme une règle salutaire, la consigne elle-même ne peut-elle pas avoir sa grandeur? C'est du moins l'avis de M. Desjardins, qui écrit : « Le patriotisme d'Horace s'inspire des stricts devoirs qui lui sont imposés par la cité, de ses intérêts, de ses foyers et de ses dieux. Rome est tout, Rome est seule devant ses yeux; c'est sa gloire, sa destinée qu'il regarde. Jamais on n'a si bien compris la dureté farouche et le dévouement absolu du citoyen, mieux encore, du soldat romain. Il ne raisonne point, n'examine rien. C'est quelque chose de plus étroit que le devoir : c'est la consigne. Mais que cette consigne est belle I C'est parce qu'elle contrarie tous les sentiments naturels que le dévouement qu'elle commande est méritoire et devient sublime ^. »

Cette étroitesse de vues, volontaire ou inconsciente, une fois reconnue, — et la force des choses ne veut-elle pas que le

Patriotisme vraiment fort soit étroit? — ne comprend-on pas orgueil énorme et naïf qui en est la conséquence fatale? Aux, yeux des anciens, l'amour de la patrie et l'amour de la gloire

��1. Peu de critiques ont été plus sévères pour le jeune Horace que M. Fran- cisque Sarrey : dans deux feuilletons remarquables du Temps, il l'appelle « un maître sot, un fier-à-bras, un imbérile, un vilain être, un jeune et illustre dadais, un butor, une bête brute ». Nous avons essayé de réhabiliter ici, contre l'éminenl critique, ce pauvre Horace qui, ce nous semble, dans la pensée de Corneille, n'est point si ridicule. En revanche, nous empruntons à ces mêmes feuilletons plusieurfl traits d'une analyse très pénétrante du caractère de Camille.

3. Le grand Corneille historien.

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