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��INTRODUCTION 41

éclaire la conduite entière d'Horace : un ennemi public? C'est arce que Curiace clait devenu un ennemi public qu'Horace 'a traité en ennemi personnel après l'avoir traité en ami et qu'il l'a accablé de son mépris, étrange autrement. C'est parce que sa sœur pleure un ennemi public qu'il la tuera ;

Ainsi reçoive un châtiment soudain Quiconque ose pleurer un ennemi romain^.

Jamais il ne se repentira de l'avoir tuée : car, si plus tard il demande la mort, c'est qu'il craint qu'une plus longue vie, au lieu d'augmenter sa renommée, n'en aflaiblisse l'éclat. Ainsi le veut la logique inexorable de ce caractère.

Le caractère de Camille, malgré ses contradictions et ses brusques alternatives de joie et de tristesse, n'est pas, au fond, moins logiipiement tracé, de manière à rendre inévitable le conllit que nous prévoyons entre elle et son frère. Partis de deux points opposés, ils doivent, nous le comprenons, se heurter dès la première rencontre qui suivra le combat. Autant l'un, dédaigneux des affections individuelles, garde les yeux fixés sur l'idée abstraite du devoir, autant l'autre est incapable de s'élever à la notion de la patrie et des sacrifices que la patrie peut exiger de ses enfants. Toujours monté au ton héroïque, le patriotisme d'Horace est égal, presque mono- tone; rien n'est moins égal, au contraire, que la passion de Camille; rien n'est plus tourmenté, plus mêlé de soudaines explosions d'enthousiasme et de soudaines défaillances. Dès la première scène, Julie nous la peint irrésolue, incertaine, agitée par de vagues inquiétudes, tantôt pleurant sur les vaincus, tantôt laissant éclater une joie étrange à la nouvelle du combat qui va se livrer. Elle-même, presque aussitôt, vient nous expliquer la cause de ce brusque accès d'allégresse : elle a consulté un devin grec, dont elle interprète l'oracle à double sens en faveur de ses espérances folles. Puis, de même qu'un oracle l'a subitement rassurée, un songe confus renou- velle ses premières craintes. On dirait qu'elle prend plaisir à se tourmenter et à se tromper elle-même. Curiace parait-il pour annoncer la paix prochaine? elle s'imagine qu'il fuit le combat pour la rejoindre ; avant qu'il ail pu s'expliquer, elle le félicite de celle lâcheté, tant à ses yeux le devoir est peu de chose au regard de celui qui aime! Est-il désigné avec ses frères pour combattre les trois Horaces? elle s'efforce de l'ar- racher à ce périlleux honneur, elle ne comprend pas qu'il lui

��1, Acte IV. ec. t.

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