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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/64

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ié HORACE

rt'sistc, elle accuse et se lamcnLe. Le combat est-il suspendu? alors que tout Je monde autour d'elle renaît à l'espérance, elle se refuse à espérer. Nerveuse* et fébrile, elle manque visiblement d'équilibre ; l'imagiuatmn prédomine chez elle, aux dépens de la raison.

A quoi bon, d'ailleurs, cette analyse d'un caractère chan- geant et tout féminin? Quelqu'un l'a faite avant nous, et c'est Camille elle-même, dans le monologue de l'acte IV. Avec quelle savante subtilité, mais aussi avec quelle douloureuse amertume, elle nous fait assister aux diverses révolutions de son âme et passe en revue les péripéties du sort dont elle a été jusqu'alors le jouet! Avec quelle indignation elle proteste contre la « brutale vertu » qu'on veut lui imposer! Avec quelle résolution presque virile elle s'engage à braver en face son, frère vainqueur! Que ce frère vienne maintenant; qu'à celte sœur désespérée il jette, «on pas un mol de con- solation émue, mais une sojte de provocation nouvelle, qu'il ait toujours à la bouche le nom de cette Rome exécrée, cause première des malheurs de Camille, tout se précipitera vers un dénouement fatal : la fiancée de Curiace oubliera qu'elle est Romaine, le soldat romain oubliera qu'il est frère. Nous savons trop à quel degré d'exaltation en sens contraire tous deux sont parvenus pour nous étonner désormais des impré- cations de Camille et du coup<d'épée d'Horace.

Ainsi est annoncé, expliqué, mais non pas assurément jus \iùé, le fratricide. Moralement, ce meurtre restera d'autant plus inexcusable qu'il semble commis de sang-froid, selon la juste remarque d'un critique ^, et qu'Horace, en traversant tout le théâtre pour aller poignarder sa sœur, a tout le temps de la réflexion. Mais il ne faut pas confondre l'art dramatique avec la morale en action. Peut-être est-il regrettable en soi que Rodrigue tue le comte, que Cinna et Emilie conspirent la mort de leur bienfaiteur, que Polyeucte se livre à des actes de violent fanatisme, que Rodogune, menacée de mort, veuille répondre au crime par le crime; Rodrigue, Cinna, Emilie, Polyeucte, Rodogune n'en seront pas moins glorifiés ou par- donnés par le poète, qui même se plaira parfois à nous faire admirer, fût-ce malgré nous, la monstrueuse perfidie d'une

��I. « Les Latins avaient un mot pour désigner le genre de femmes auquel appar- Hent Camille. Ils disaient d'elle qu'elle est impotcns sui ou simplement impoUns. Ils entendaient par là une peisonnc qui n'est pas maîtresse d'elle-même, qui se laisse emporter sans règle à tous les vents de la passion et du caprice, quijileuio ■ans objet et se console sans cause, ce que nous appelons aujourd'hui une uii:iu«  nerveuse. » (M. Francisque Sarcey ) I 3, Addison, Spcctator,

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