Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Si HORACE

înire el qu'on les aime, ce qui est tout un; les « amoureux », au contraire, sont voués au rôle subalterne et toujours sacrifié de l'infante et de don Sanche, dans le Cid, de Maxime, dans Cinna, de Séleucus, dans Rodogune.

L'amour a donc sa place, dans Horace, à côté du patrio- lisme, et cette place semble d'abord assez large : n'est-ce point en elTet l'amour qui, en causant le meurtre de Camille, cause le second péril d'Horace? Mais, par cela même, on sent que l'amour est peint ici sous des couleurs beaucoup moins favorables que dans le Cid. « J'ai cru jusqu'ici, écrivait plus tard Corneille*, que la passion de l'amour est trop chargée de faiblesses pour être la dominante d'une pièce héroïque; j'aime qu'elle y serve d'ornement et non de corps. » Quoi qu'il en dise, il ne l'avait pas toujours cru, et ses ennemis lui avaient précisément reproché d'avoir glorifié en Chimène les faiblesses du cœur. Cette fois, il les punit en Camille. Et pourtant, certains traits gracieux du caractère de Camille, qui n'est point uniformément furieux, nous font souvenir par- fois de Chimène 2. Celle dont les invectives vont frapper au visage Horace vainqueur ne puise son audace d'un moment que dans )a profondeur d'une tendresse exaspérée. Heureuse, elle est deuce sans effort et indulgente, même pour Valère :

Tout ce que je voyais me semblait Curiace*!

Cette désespérée commence par être une raffinée, amoureuse de subtilités et d'antithèses presque autant que de Curiace, une précieuse pour qui les finesses de la galanterie roma- nesque et de la métaphysique amoureuse n'ont aucun secret. Ce jargon délicat était à la mode, et les habitués de l'hôtel de Rambouillet y devaient applaudir, comme ils devaient ap- plaudir au savant étalage des beaux sentiments de Sabine. Là est le signe du temps, la part des idées contemporaines, moindre pourtant que dans le Cid, où l'imagination a plus de jeunesse, mais le goût moins de maturité. U faut bien avouer, d'ailleurs, que cette phraséologie de convention nous laisse assez froids. Non pas que les entretiens de Sabine et de Camille pussent être retranchés sans inconvénient de la tragédie qu'ils éclairent, en nous apprenant ce qui se passe au dehors ou à l'intérieur de la famille, a l'intérieur même de l'âme des personnages. Mais l'intérêt est ailleurs, et c'est ailleurs aussi que nous regardons, avec quelque impatience

1. Lettre h Saint-Evromond, 1006.

S. M. Merlet, Eludes sur les classiques françaii,

3. Acte I, se. II.

�� �