Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/84

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Quoique le mien s'étonne à ces rudes alarmes,
Le trouble de mon cœur ne peut rien sur mes larmes,
Et, parmi les soupirs qu'il pousse vers les deux,
Ma constance du moins règne encor sur mes yeux. 10
Quand on arrête là les déplaisirs d'une âme,
Si l'on fait moins qu'un homme, on fait plus qu'une femme.
Commander à ses pleurs en cette extrémité,
C'est montrer, pour le sexe, assez de fermeté.

JULIE.

C'en est peut-être assez pour une âme commune 15
Qui du moindre péril se fait une infortune ;
Mais de cette faiblesse un grand cœur est honteux;
Il ose espérer tout dans un succès douteux.
Les deux camps sont rangés au pied de nos murailles;
Mais Rome ignore encor comme on perd des batailles. 20

7. Etonner a ici la même énergie de sens qu'au vers 671, et se rapproche davantage de l'étymologie attonilus, frappé de la foudre. « nuit effroyable, où retentit

tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt! Madame est morte!... Mon Dieu, pourquoi vois-je devant moi ce visage dont vous eïonncr les réprouvés? » (Jio^suct, Oraison funèbre d'Hetiriette d'An- gleterre. — Premier sermon pour le vendredi saint.)

Mais gardez de pâlir et de vous étonner

A l'aspect dn chemin qui vous y doit mener. (Théodore, v. B8B.)

8. On peut juger, avec Voltaire, que l'expression est bien contournée pour dire ; ne peut m'arracher des larmes.

10. Sabine, qui insiste et disserte trop, veut dire : mon âme garde assez de fermeté {coristantia) pour interdire à mes yeux les larmes.

11. Pourquoi donc Voltaire juge-t-il que ce vers appartient plutôt à la comédie qu'à la tragédie ? Quand on arrête In est une expression fort naturelle et nullement triviale pour dire : quand on limite, quand on borne aux soupirs, sans aller jusqu'aux pleurs.... Déplaisir, chez Corneille et au xvn" siècle, équivaut à douleur, désespoir.

12. « Cette petite distinction est trop recherchée pour la vraie douleur. Elle revient encore une troisième fois à la charge pour dire qu'elle ne pleure point. » (Voltaire.)

14. Dans l'Examen d'Horace, Corneille a pris encore absolument le sexe pour les femmes : « La frayeur, si naturelle au sexe, lui doit faire prendre la fuite. » Racine a dit de même :

Il a pour tout le sexe une haine fatale. {Phèdre, III, i.)

15. Var. C'en est assez et trop pour une âme commune. (1041-1GB6.)

17. Yar. D'un tel abaissement un grand cœur est honteux. (lGll-1656.)

18. Dans un succès douteux, c'est-à-tlire quand l'issue reste douteuse; tuecè» n'avait pas en effet alors de sens plus précis que celui de résultat, bon ou mau- vais :

Von» TOUS tromperez. — Soit, j'en veux voir le succès. (Molière, Misanthrope, I, l.) 20. Vaugelas nous apprend, dans ses Remarques, que Mallierbe disait toujours comme pour comment, mais qu'il n'était pas suivi, et il ajoute : « Il n'y a point de doute que, lorsqu'on interroge, il faut dire comment. » Mais cette règle ne fut point ad >ptée par tous tout d'abord : Corneille après Malherbe et MoHère aprè» Corneille disent souvent comme pour comment :

A peine ponvez-yons dire comme il te nomme. {Miianthrope, l, i.)

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