74 HORACE
Mais excusez l'ardeur d'une amour fraternelle; H 5
Le soin que j'ai de lui me fait craindre tout d'elle !
Je forme des soupçons d'un trop léger sujet;
Près d'un jour si funeste on change peu d'objet;
Les âmes rarement sont de nouveau blessées,
Et dans un si grand trouble on a d'autres pensées : 120
Mais on n'a pas aussi de si doux entretiens,
Ni de contentements qui soient pareils aux siens.
JULIE.
Les causes, comme à vous, m'en semblent fort obscures :
Je ne me satisfais d'aucunes conjectures.
C'est assez de constance, en un si grand danger, 125
Que de le voir, l'attendre, et ne point s'affliger;
Mais certes c'en est trop d'aller jusqu'à la joie.
SABINE.
Voyez qu'un bon génie à propos nous l'envoie.
115. Voyez la note du vers 59.
116. Le soin que fai de lui, c'est-à-dire le souci que m'inspirent ses intérêts.
117. Var. Je forme des soupçons d'un sujet trop léger :
Le jour d'une bataille est mal propre à changer;
D'an nouveau trait alors peu d'âmes sont blessées. (1641-1656.)
D'un sujet pour : sur un sujet.
118. Au xvn° siècle, on le sait, objet, pris absolument, s'emploie pour objet aimé, personne aimée. De même, au vers suivant, blesser est pris dans le sens, irks commun alors, de : s'ouvrir à une passion nouvelle. Qui ne connaît les vers t harmonieux de Racine :
Ariane, ma sœnr, de quel amour blessée
Vous mounUes aux bords où vous fûtes laissée. {Phèdre, I, 8,)
124. Se satisfaire de est pris ici dans le sens passif, pour : être satisfait de. —
- Quelques perso: ^es, dit M. Marty-Laveanix, doutent si aucun, aucune, avec
la négation, peuvi t être employés au pluriel. Il est plus ordinaire de mettre le singulier ; mais, îomme rien n'empêche de nier la pluralité, aussi bien qu'on Sie l'unité, rien non plus ne peut faire comdamner les phrases où aucun est au ^uriel. »
126. De, précédant plusieurs verbes, n'était souvent exprimé que devant le pro- aùer :
Il s'agit de Pompée, et nous aurons la gloire
D'achever de César ou troobler la victoire. (Pompée, W.)
1Î7. « Certes est beau dans sa vieillesse et a encore de la force dans son déclin ; la poésie le rcclame,et notre langue doit beaucoup aux écrivains qui le di- sent en prose et qui se cnniiiietlent pour lui dans leurs ouvrages. » Ce curieux passage de La Bruyère (De quelques usages) nous apprend que, de son temps, le mot certes, si utile à l'énergie de l'affirmation, déplaisait à certainu puristes, qui o'ont pu en priver la langue.
128. Voyez que, pour voyez comme :
Voyez qa'en sa faveur aisément on se flatte. {Don Sanehe, 1160.)
Ce tour a vieilli, dit Voltaire; c'est un malheur pour la langue; il est vif «• oaturel, et mérite, je crois, d'être anité ». ~- Un bon génie, c'est-àkdire une cil»
et^sstac ne favorable.
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