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Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/208

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22 LE MENTEUR

l'eau et du duel sont dépars hors-d'œuvre, d'agréables super- tluitcs, dont l'intérêt, pour ainsi dire, est exclusivement litté- raire.

2° La passion. — Si l'amour de Dorante pour Clarice était vif et sincère, il suffirait à relever l'intérêt de la comédie. Mais quoi! Dorante nous l'appreni lui-même dès le début du premier acte : il arrive de Poitiers à Paris avec la résolution bien r'rêLée d'èlre amoureux de la première femme qu'il renc-.itrera ; il est donc amoureux par système autant que par passe-temps. Clarice paraît ; son heureux faux pas lui vaut à l'instant une déclaration improvisée, dont l'ardeur im- prévue l'étonné à bon droit. C'est un amour de tête bien plutôt que de cœur : l'imaginaiion seule l'a fait naître, l'ima- gination seule le soutient. Quelle sympathie, dès lors, peut éveiller en nous , quelle inquiétude peut nous inspirer ce caprice ? Nous sommes rassurés d'avance sur le résultat de cette intrigue, on pourrait dire de ce jeu d'esprit; les succès seront bien accueillis de Dorante, mais sans fiévreux enthou- siasme ; les déceptions lui blesseront l'épidenne, sans pénétrer jusqu'à l'âme; son orgueil juvénile se réjouira des uns, souffrira des autres; car c'est l'orgueil qui est en jeu, et Dorante n'est pas un mélancolique. Le plaisir que lui donne cette aventure l'occupe, le trouble parfois, jamais ne l'égaré ; il reste maître de lui; la preuve qu'il ne se laisse pas envahir tout entier par cet amour, c'est qu'il observe froidement les personnes et juge avec impartialité de leurs mérites; c'est qu'après avoir été charmé par Clarice, il est charmé par Lucrèce. 11 est vrai que le bon Corneille n'avait trouvé que ce moyen pour nous préparer au dénouement; mais le dénoue- ment n'en reste pas moins pénible. De deux choses l'une, en effet : ou Dorante aime vraiment Clarice, et, en ce cas, rien n'est plus douloureux, plus désagréable à la pensée, que le quiproquo d'où sort cet autre mariage inattendu ; ou il ne fa jamais aimée dans l'âme, et que dire alors de la froide comé- die où il a joué son rôle? Sans doute, Dorante reste séduisant, malgré tout, à nos yeux, parce qu'il est jeune, spirituel, naï- vement audacieux, prêt à toutes les belles folies, parce que, n'aimant pas vraiment, il croit aimer, parce qu'il marche en aventureux conquérant vers l'avenir qui lui sourit. L'impres- sion d'ensemble reste pourtant équivoque. Ajoutez que cet amour, déjà froid par lui-même, est encore refroidi par les subtilités ou les fadeurs de la galanterie contemporaine. Geoffroy dit un peu rudement * : « Les deux femmes sont tout

��Cours de littérature dramatique, l" messidor an X.

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