Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/243

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Dorante

Aussi ne croyez pas que jamais je prétende
Obtenir par mérite une faveur si grande.
J’en sais mieux le haut prix, et mon cœur amoureux,
Moins il s’en connaît digne, et plus s’en tient heureux :
On me l’a pu toujours dénier sans injure ;
Et si, la recevant, ce cœur même en murmure,
Il se plaint du malheur de ses félicités,
Que le hasard lui donne, et non vos volontés :
Un amant a fort peu de quoi se satisfaire
Des faveurs qu’on lui fait sans dessein de les faire ;
Comme l’intention seule en forme le prix,
Assez souvent sans elle on les joint au mépris.
Jugez par là quel bien peut recevoir ma flamme
D’une main qu’on me donne en me refusant l’âme.
Je la tiens, je la touche, et je la touche en vain,
Si je ne puis toucher le cœur avec la main.

Clariste
Cette flamme, Monsieur, est pour moi fort nouvelle,
Puisque j’en viens de voir la première étincelle.
Si votre cœur ainsi s’embrase en un moment,
Le mien ne sut jamais brûler si promptement.