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38 RODOGUNE.

de Rodogune tout entière; car ils ne sont pas de ces hors- d'œuvre qui tiennent mal au vrai sujet, et peuvent en être isolés sans en compromettre l'unité; ce sont des parties vives, qui font corps avec l'ensemble, et qu'on n'Qn saurait détacher qu'au prix d'une mutilation. Au fond, et malgré sa complexité apparente, l'intrigue de Rodogune estuae; en quelques mots on pourrait la résumer.

Le premier acte en effet nous expose les motifs de la haine qui anime Gléopàtre contre Rodogune, et nous fait pressentir qu'en dépit d'un simulacre de paix toutes deux ne tarderont pas à être aux prises.

Au second acte, cette haine mal contenue éclate, et se mani- feste par la proposition de Gléopàtre à ses deux fils.

Ce premier coup porté, la riposte ne se fait pas longtemps attendre, et la proposition, à la fois analogue et contraire, de Rodogune (au troisième), est un acte de légitime défense.

Pendant tout le cours du quatrième acte, la lutte engagée se poursuit, s'irrite et approche de la crise.

En6n, le cinquième décide de la victoire en faveur de Rodo- gune, et se termine par la mort de Gléopàtre.

Ainsi le vrai sujet n'est autre que la rivalité entre Gléopàtre et hodogune, rivalité traversée par la passion des deux princes. Rien de, moins semblable au récit d'Appien ; mais rien aussi qui explique mieux comment, la haine étant égale des deux pirts, la manifestation en doit être la même, à des degrés divers. Pour qu'on ne se trompât point sur son véritable dessein. Corneille a pris soin d'opposer, presque mathématiquement, l'un à l'iiutre les deux actes qui sont le centre et comme le cœur de sa tragé- die. Non seulement ils sont parallèles, mais, dans la forme, ils ne sont pas loin d'être identiques. Les confidences y répondent aux confidences, les monologues aux monologues; l'offre crimi- nelle de Gléopàtre appelle, par une sorte de contre-coup inévi- table, l'offre de Rodogune, non moins criminelle sans doute, mais rendue plus excusable par les circonstances o\x elle se pro- duit; après l'une comme après l'autre, les princes épouvantés confondent leurs malédictions et leurs plaintes. Il est difficile d'imaginer un parallélisme mieux suivi, et dont l'intention soit plus claire. Ce qu'a voulu faire Corneille, nous le savons main- tenant, et il faut le juger d'après ce qu'il a voulu faire, non d »- près ce qu'on aurait fait à sa place. A-t-il réussi? C'est une question différente, et que peut seul trancher l'examen appro- fondi des carjcièreg.

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