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Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/86

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76 POMPÉE

La timide équité détruit l'art de régner.

Quand on craint d'être injuste, on a toujours à craindre,

Et qui veut tout pouvoir doit oser tout enfreindre, 110

Fuir comme un déshonneur la vertu qui le perd.

Et voler sans scrupule au crime qui lui sert.

C'est là mon sentiment. Achillas et Septime S'attacheront peut-être à quelque autre maxime : Chacun a son avis; mais, quel que soit le leur, 115

Qui punit le vaincu ne craint point le vainqueur.

ACHILLAS.

Seigneur, Photin dit vrai; mais, quoique de Pompée

Je voie et la fortune et la valeur trompée,

Je regarde son sang comme un sang précieux

(ju'au milieu de Pharsale ont respecté les dieux. 120

maximes d'an air déflamateur. » (Voltaire.) On peut juger que Corneille imite de trop près ici la belle déclamation de Lucain ; le Narcisse de Racine est assu- rément plus discret que Photin ; mais, pour être juste, il faut distinguer entre la situation d'un atlranchi qui doit être avant tout insinuant et souple pour être persuasif, et celle d'un ministre d'Etat, consulté par son roi sur un sujet où de graves intérêts politiques sont en jeu. 11 ne faut pas oublier non plus qu'on est en Egypte, à la cour d'un petit despote^ où cette franchise cynique est moins déplacée. Comparez à ce discours de Photin ceux que Palmiras, ce Photin asia- tique, tient au jeune prince Siroès dans le Cosroès de Rotrou : « La pitié n'est pas la vertu des monarques. » Voir notre Théâtre choisi de Rotrou, poète poli- tique, comme Corneille, et chez qui reviennent bien souvent des maxime analogues :

Le crime quelquefois peut s'employer sans crime. (Belle Alphrède, V, 8.)

108. Dans Pertharite, Corneille a repris ces maximes cruelles :

La vertu timide est mal propre à régner.

Un roi doit pouvoir tout

Quand les devoirs communs ont d'importunes lois,

La majesté du trône en dispense les rois.

Leur gloire est au-des.~us d«s règles ordinaires.

Et cet honneur n'est beau que pour les cœurs vulgaires. {Pertharite, IV, 3, 6.)

109. Rien n'est si dangereux que trop de bonne foi. (Sertorius, IV, 6.)

ilO. Libertas scelerum est qnx régna invisa tuetur Stiblatusque modus gladiis : facere omnia sceve Non impune licet, nisi quum facis. Exeat aitla Qui volet esse pius ; virtus et summa potestas Non coeunt; semper metuet quem sseva pudebunt. (Lncain, III, 491-495.)

112. M. Guizot compare Photin au surintendant Emeri, qui disait en plein conseil que la bonne foi n'était que pour les marchands, et rappelle l'opinion de Ret7., aux yeux de aui un homme d'Etat est nécessairement un malhonnête homme; il en conclut' que Voltaire avait trop jugé le temps où vivait Corneille d'après le temps où il vivait lui-même. [Corneille et son temps.)

116. Yar. Qui frappe le vaincu ne craint point le vainqueur. (1684-1663.)

117, Achillas ne parle point chez Lucain et se borne à exécuter la décision prise. Voyez l'Introduction.

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