Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/163

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INTRODUCTION lut

un mol discret, montre qu'il n'est pas dupe fie cc!te comédie, dont est dupe le vieux roi. Mais de quelle main lé^éve ce point est eflleuré, et comme nous perdons Lientôt de vue ces peti- tesses ! Tandis qu'Arsinoé biaise toujours, Nicomède marche droit vers l'ennemi surpris. Zenon et Mélrobate, dit-il, ont accusé tour à tour le fils et la femme de Prusias. Où est le vrai coupable? Qu'importe! Coupables eux-mêmes, en tout cas, d'olfense à la majesté royale, les délateurs doivent périr; qu'on les mène au supplice! Au trouble, aux hésitations emharias- sées d'Arsinoé, on la devine atteinte par ce coup inattendu. L'avantage du combat, on peut l'affirmer, reste à ce soldat qui sait être à l'occasion un diplomate. IS"est-il pas digne de la victoire déllnilive, celui qui sait triompher avec tant de tact et de mesure"? Lui si indomptable dans la lulte, il dé- sarme les vaincus par sa bonne grâce et sa générosité spiri- tuelle; il s'incline devant Arsinoé frémissante encore; il enve- loppe, pour ainsi dire, son pardon d'une galanterie chevale- resque qui le fait acceptei' comme une faveur; il met une sorte de coquetterie à exagérer la déférence, à l'heui'e où la déférence ne coûte rien à sa fierté.

Voyez-le, au contraire, en face de Prusias et de Flaminius : son mépris mal contenu éclate en chacune de ses paroles. Mais s'il n'a pas à ménager l'ambassadeur romain, il garde vis-à-vis de Prusias les apparences du respecl. Il joue fort liien la comédie de l'amour filial, comme Prusias celle de l'amour paternel. Seulement, ici, de trop graves questions s'agitent, son orgueil de prince est trop profondément blessé pour que son ironie soit si aisément cavalièie qu'alors qu'il combattait une ennemie personnelle. Aussi jetle-t-il bientôt le masque et tombe-t-il dans les pièges qu'on tend à sa géné- reuse imprudence ; aussi menace-t-il après avoir raillé. Pour- tant la menace même est une ironie :

C'est moi qui vous en prie '.

Condé n'eût pas désavoué cette prière impérieuse. Nico- mède un héros parfait! Il le serait, en tout cas, à la façon des héros d'Homère, trop prés de la nature pour être mo- destes. « Un honmie tel que moi^l « s'écrie-t-il avec un naïf orgueil; et l'on se souvient que le comte de Gormas ne parlait pas autrement. Ce conquérant a le tort de ne pas laisser aux

1. Nicomède, II, 3.

2. Voyez lo y. 1253 et comparez au v. 376 du Cid.

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