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Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/165

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sincère ; mais le moyen de croire à la sincérité de ce respect chez le fils d’Arsinoé? le moyen de ne pas voir dans celle volte-face soudaine soit une comédie soit une lâcheté? Au troisième acte, ce même Atlale répond aux injures par d’affectueux compliments, aux regards méprisants par des sourires. A vrai dire, on le voudrait parfois moins complimenteur et moins souriant. C’est le plus galant homme du monde ; mais il a plus de bonne grâce, enfin, que de fierté. Et l’on veut qu’en ce jeune homme, naguère si capricieux, mainlenant si accommodant, l’allier Nicomède devine et salue d’avance un sauveur ! Mais lui-même Altale s’ignore. Il est fort loin encore, au lioisième acte, d’être l’Allale du cinquième ; il ne le deviendra que par une transformation lente, dont le troisième acie maïque le premier degré. Là même encore, ne va-t-ii pas, dans sa candeur, jusqu’à faire appel au désintéressement d’Arsinoé ’ ? En opposant la mère au iils, en nous faisant assister à une première et timide révolte du fils qui se reconquiert, Corneille nous fait comprendre à nous, et point à Mcomède absent, que la naluie d’Allale est double, pour ainsi dire. Par lui-même, il est bon, mais d’une bonté molle; plein d’excellentes intentions, mais irrésolu. Sur ce fond encore mal affermi l’éducation a jelé les premières assises d’un caractéi’e tout nouveau, qui sf superpose, pour ainsi dire, au premier; on n’est pas impunément l’élève de Flaminius et le fils d’Arsinoé. De là ces ambitions factices, ces grands projets et ces grands mots qu’on lui souffle, de là même peut-éire cet amour politique pour I.aodico; mais de là aussi la promptitude avec laquelle s’écroule, au premier heurt, c frêle édifice.

Avec un art consommé Corneille a piéparé la lente évolution de ce caractère. Il nous a montré Attale partagé entre deux sentiments qui se combattent : une admiration involontaire pour ce frère glorieux, dont l’héroïsme l’étonne et dont la rivalité l’elfraye; une admiration plus naluielle, puisqu’elle est le fruit de son éducation, pour celte Rome dont il a vu seulement les nobles aspects, pour cette Rome qu’il se plaît à nous peindre grande, vertueuserdésintéressée. Se sentir soutenu, se croire aimé par Rome, quel motif d’orgueil et de confiance en l’avenir! On conçoit la douleur, l’effarement, le trouble profond et sincère de ce Romain d’adoption lorsque, son culte est profané, lorsque la main brutale de Flaminius, déchirant sans pitié les voiles, lui montre l’idole romaine impassible dans son égoïsme cruel. Il ne fallait pas moins qu’une telle secousse pour le rendre à lui-méme en le dégageant des influences dont le ’ ug

1. Acte III. se. 8.