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Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/198

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186 NICOMEDE

Aux yeux de Voltaire, la tragi-comédie est à la tragédie à peu prés ce qu'est la farce à la comédie relevée. De la cette perpétuelli^ « monomanie ' » du commentateur de Cor- neille, censeur jaloux de toute expression qui heurte son faux idéal de noblesse tragique. A peine accorde-t-il qu' « il y a de temps en temps un air de grandeur qui impose » ; presque toujours il condamne avant de comprendre, et ses critiques sont des injures : « Dans yicomèrle, tout est petit, presque tout est grossier... Une grande partie de celte pièce est en style burlesque. » La Harpe se borne à répéter le maî- tre et s'arroge le droit de parler au nom de l'antiquité, qu'il ne connaît pas : « Les anciens n'avaient jamais connu cet alliage du tragique et du familier, du sérieux et du bouffon, marqué au coin de la barbarie. »

Cette « barbarie » pourtant ne déplaisait pas tant à la scène quand des acteurs aimés l'y imposaient au public. La reprise à laquelle semblent faire allusion Voltaire et La Harpe (l7o4) fut marquée par l'éclatant succès de Grandval : « Nous nous souvenons encore avec quelle noble ironie, avec quelle tinesse de nuance, Grandval, qui jouait supérieure- ment le rôle de Mcomède, disait, en adressant la parole à Atlale dans la scène 2 du P acte, le couplet qui commence par ce vers :

« Seigneur, je crains pour vous qu'un Romain vous écoute "2. »

Des acteurs de ce temps, ctdui qui maïqua ce rôle de la plus forte empreinte est Lekain. Est-il téméraire d'affirmer pour- tant, à une telle distance de l'époque, que Lekain lui-même ne fit voir au public qu'un Nicomètle incomplet, le seul, il est vrai, qui eût chance de lui plaire? C'est à Lekain qu'il faut s'en prendre si l'on n'accepte pas sans réserve les témoi- gnagi^s enthousiastes des contemporains : car c'est lui qui té- moigne contre sa propre inteUigence du rôle. Ses Mémoires conXiewnent des Observations générales sur Ui diction des rôles de Nicomède et corrections proposées sur lesdits rôles. Son seul but, afllrme-t-il, a été de « retrouver l'ancienne tradition, c'est-à-dire la vraie diction, le sens du rôle, souvent déliguré

ne lui donna plus sur les afflches qu> le titre de tragédie, titre que Corneille lui avait donné dans son orijine, et qu'elle porte en efl'et dans tontes les éditions. » (l'alissot.) Corneille intitule sa pièce : tragédie.

1. Le mot est de M. Naudet.

2. Coste, Mémoires pour Marie-Fraiiçoise Dumesnil,

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