Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/230

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-1^ NICOMÈDE

Que vous ne lui puissiez ordonner de se taire?

LAODICE.

Puisqu'il vous a déplu vous traitant de Romain, 203

Je veux bien vous traiter de fils de souverain.

En cette qualité, vous devez reconnaître

Qu'un prince votre aîné doit être votre maître,

Craindre de lui déplaire, et savoir que le sang

Ne vous empêche pas de différer de rang, 210

Lui garder le respect qu'exige sa naissance,

Et loin de lui voler son bien en son absence...

��Si l'honneur d'être à vous est maintenant son bien.

Dites un mot. Madame, et ce sera le mien ;

Et si l'âge à mon rang fait quelque préjudice, 215

Vous en corrigerez la fatale injustice.

Mais, si je lui'^dois tant en fils de souverain.

Permettez qu'une fois je vous parle en Romain.

Sachez qu'il n'en est point que le Ciel n'ait fait naître Pour commander aux rois, et pour vivre sans maître; 220

Nicoraède passe pour le bouffon de Laodice. Ce n'était pas la pensée de Corneille, mais il est sur qu'il en présente l'idée. » Lekain.) Dans le louable dessein d'écar- ter cette idée fâcheuse, Lekain propose d'écrire :

Serait-il k tel point de votre confluence Que Toas ne lui puissiez onlonncr le silence

Mais il reconnaît que la leçon proposée n'est « «i élégante ni poétique ». Nous sommes de son avis.

204. Yar, Que sans vous offenser il ne se paisse taire? (1651-5S.)

212. Voler, que Voltaire trouve bas, est précisément le seul mot juste, le seul qui rende bien la pensée et surtout le sentiment de Laodice. Nicomède vient de parler assez haut; Laodice élevé aussi la >oiï et prend un secret plaisir à humi- lier Attale en face de son rival heureux. Le ton dépend de la situation, et M. Go- defroy a raison de dire que le même mot est fort bien placé dans ces deui vers de Ylphiyénie de Racine :

Et si quelque insolent lui volait sa conqnête... (I, 3.) C'est an titre qu'en vain il prétend me voler. (V, 2.)

Attale, observe M. Géruzez, est également frappé par les deui cornes d'un di- lemme invincible: Si vous êtes citoyen romain, ne descendez pas à l'hymen d'une reine; si vous êtes prince, cédez le pas à votre frère aîné.

220. « Ces deux vers sont de la tragédie de Cinna (vers 1001 et 1002), dans le rôle d'Emilie ; mais ils conviennent bi-n mieux à Kmilie, Romaine, qu'à un prince arménien. » (Voltaire. Il est plus juste de signaler, avec M. Naudet, l'inconsé- quence de ce jeune homme passionné qui, tout à l'heure, fils de roi, paraissait si entêté de l'omnipotence royale, et maintenant, client des Romains, met les rois si bas. Elevé dans Rome, pénétré des maximes qui faisaient la force de la politique romaine, Attale ne récite-t-il pas ici une sorte de leçon? Tous les Romains en face

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