Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/487

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prête à lui répondre. Mais ici éclate le défaut de la tragédie cornélienne; c’est trop peu dire: de la tragédie française, trop oratoire et solennelle par moments. Galba prononce uii discours, auquL-i répond un discours de sa nièce. C’est trop de discours vraiment. Cela dit, on conviendra volontiers, avec M. Desjardins, que la harangue de Galba est une belle page historique, qu’elle est plus serrée et mieux composée que celle de Tacite, que le poète y indique le plus clairement du monde comment avorta la restauration républicaine rêvée par Galba, repoussée par les légions :

Non que si jusque-là Rome pouvait renaître.
Qu’elle fût en état de se passer d’un maître,
Je ne me crusse digne, eu cet heureux moment,
De commencer par moi son rétablissement;
Mais cet empire immense est trop vaste pour elle :
A moins que d’une tète un si grand corps chancelle;
Et pour le nom des rois son invincible horreur
S’est d’ailleurs si bien faite aux lois d’un empereur
Qu’elle ne peut souffrir, après cette habitude.
Ni pleine liberté, ni pleine servitude.
Elle vent donc un maître, et Néron condamné
Fait voir ce qu’elle veut eu un front couronné.
Vindex, Rufus, ni moi, n’avons causé sa perte;
Ses crimes seuls Tout faite, et le Ciel l’a soufferte.
Pour marque aux souverains qu’ils doivent par l’effet Répondre dignement au grand choix qu’il en fait.
Jusques à ce grand coup, un honteux esclavage
D’une seule maison nous faisait l’héritage.
Rome n’en a repris, au lieu de liberté,
Qu’un droit de mettre ailleurs la souveraineté;
Et laisser après moi dans le trône un grand homme.
C’est tout ce qu’aujourd’hui je puis faire pour Rome.
Jule et le grand Auguste ont’ choisi dans leur sang.
Ou dans leur alliance, à qui donner ce rang.
Moi, sans considérer aucun nœud domestique.
J’ai fait ce choix comme eux, mais dans la République;
Je l’ai fait de Pison; c’est le sang de Crassus,
C’est celui de Pompée : il en a les vertus.
Et ces fameux héros dont il suivra la trace
Joindront de si grands noms aux grands noms de ma race,
Qu’il n’est point d’hyménée en qui l’égalité
Puisse élever l’Empire à plus de dignité.

Encore une fois, nous ne demandons pas mieux que d’admirer comme morceau isolé de rhétorique ou comme dissertation d’histoire, ce beau discours du trône. Mais Camille est seule pour l’écouter. Il est vrai que, piquée d’honneur, sans doute, elle y répond