Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/586

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« défunte veine », est d'un français douteux , on s'étonne de la trouver sous la plume de M™» de Sévigné, cette dévote de Cor- neille. Et pourtant elle écrit encore : « Nous tâchons d'amuser notre cher cardinal. Corneille lui a lu une comédie qui sera jouée dans quelque temps, et qui fait souvenir des anciennes^. » Il y a là une coïncidence remarquable de pensée et d'expression. Nous ne nous chargerons pas de trancher la difficulté ; mais nous croyons que si les contemporains ont pu voir là une allusion, Corneille ne se l'est point permise : car l'Espagnole et romanesque Anne d'Au- triche n'aurait point dit à Mazarin, comme Pulchérie dit à Léon au début du premier acte :

Je vous aime, Léon, et n'en fais point mystère :

Des feux tels que les miens n'ont rien qu'il faille taire.

Je vous aime, et non point de cette folle ardeur

Que les yeux éblouis fout maîtresse du cœur,

Non d'un amour conçu par les sens en tumulte,

A qui l'âme applaudit sans qu'elle se consulte,

Et qui, ne concevant que d'aveugles désirs.

Languit dans les faveurs et meurt dans les plaisirs :

Ma passion pour vous, généreuse et solide,

A la vertu pour âme et la raison pour guide,

La gloire pour objet, et veut sous votre loi

Mettre en ce jour illustre et l'univers et moi.

Non, Aune d'Autriche n'eût point si facilement (ni si pompeuse- ment) associé Mazarin au pouvoir suprême. Elle n'avait point cette « raison » toujours maîtresse d'elle-même, cette sto'ique hau- teur d'âme.

De même, on a voulu reconnaître Corneille dans le vieux Mar- tian ; mais ici l'on s'appuie sur une affirmation précise de Fonte- nelle, qui juge Pulchérie et Suréna digues de la vieillesse d'un grand homme, et ajoute : « Le caractère de Pulchérie est de ceux que lui seul savait faire, et il s'est dpeint lui-même avec bien de la force dans Martian, qui est un vieillard amoureux. Le cinquième acte de cette pièce est tout à fait beau. On voit dans Suréna une belle peinture d'un homme que son trop de méri e et de trop grands services rendent crimiuel auprès de son maître 2. » Ce ju- gement, nous le craignons, est trop favorable à Suréna; est-il vrai de Pulchérie?

\. Leltre du 9 mars 1672. â. Vie de Corneille.

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