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Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/202

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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

avec un égal succès et les autres peuplades, et les lions énormes, et toutes les bêtes féroces ; ils respirent impunément un air enflammé, se contentent du sol le plus aride, et savent s’orienter au milieu de leur montagnes changeantes.

Telle est la côte où débarquèrent soixante trois infortunés, sans vivres, sans guides, sans la moindre connaissance de la route qu’ils devaient tenir.

On convint sur-le-champ et à l’unanimité, de conférer le commandement de la troupe à l’adjudant Petit, homme ferme et intelligent. Il s’occupa aussitôt de reconnaître les lieux : ayant gravi un monticule et promenant autour de lui ses regards inquiets, il vit de tous côtés l’affreux désert s’étendre jusqu’à la mer ou à l’horizon ; il ne put se défendre des plus sinistres pressentimens, mais il sut les cacher à ses compagnons d’infortune déjà trop accablés de leurs propres terreurs.

Les soldats avaient apporté dix fusils et un baril de poudre ; un matelot s’était muni de quelques planches de plomb en passant de la frégate dans la chaloupe, et les avait conservées ; tout le monde s’était armé d’épées ou de baïonnettes. M. Petit remit les mousquets aux plus adroits tireurs et donna à la caravane une sorte d’organisation militaire. Un sergent avec quatre hommes composaient l’avant garde ; quelques caporaux éclairaient le flanc gauche, l’Océan couvrait le flanc droit : un caporal, fermant la marche avec quatre soldats, avait ordre de ramasser les traîneurs.