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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

ladies presque toujours mortelles y règnent pendant l’hivernage, et enlèvent communément les deux tiers des Européens nouvellement arrivés. Tous les ans le ravage est le même, et tous les ans on est obligé de transporter de nouvelles garnisons : ceux qui ont le bonheur de résister à ces terribles épidémies viennent en convalescence à l’île de Gorée, où l’air est assez salubre. Telles sont les raisons qui, selon nous, ont occasionné le retard de la remise des établissemens sur la côte d’Afrique.

Au demeurant, et sans nous épuiser davantage en conjectures, terminons par une dernière remarque ; c’est que le commandant anglais obéit peut-être plus, en cette circonstance, à la politique coutumière de son gouvernement, qu’à des considérations locales et particulières. Qu’on se rappelle en effet ce qui s’est passé lors de la restitution de nos établissemens d’outre-mer à la paix de 1802 et à celle de 1814, et l’on verra que le ministère britannique, sans trop s’inquiéter d’en donner des raisons, s’est fait un principe très-fidèlement suivi de ce pas aimer à se dessaisir[1].

Le naufrage de la frégate la Méduse favorisa les desseins du gouverneur ; car quelle sensation pouvait produire l’arrivée d’une expédition dont la principale voile n’existait plus, et dont les trois autres navires ne parurent que les uns après les autres ? Si les Anglais

  1. Tout le monde connaît le proverbe populaire, qui rend très-bien notre idée : Ce qui est bon à prendre est bon à garder.