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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

commune et d’un courage plus que viril. Pourquoi faut-il que nous soyons obligés de détruire ici l’illusion honorable que nous avons pu causer ? pourquoi, lorsque ces dames ont porté l’indifférence jusqu’à se soustraire aux plus ordinaires devoirs de l’humanité, en s’abstenant de rendre la moindre visite aux malheureux déposés dans l’hôpital de Saint-Louis, nous ont-elles révélé elles-mêmes que leur calme sur la frégate n’était qu’une profonde insensibilité ?

Nous pourrions au reste, sinon excuser, au moins nous expliquer cette dernière marque de leur dureté. Quel spectacle en effet les attendait dans ce triste séjour, sur le nouveau théâtre où les tristes victimes d’une première inhumanité avaient à lutter contre les nouvelles misères que leur préparaient l’indifférence, l’incurie de leurs semblables ? La vue d’hommes qui tous portaient dans leur cœur le souvenir des fautes d’un mari, d’un père, ne devait pas être un objet que leurs regards fussent très-avides de chercher ou de rencontrer ; et à cet égard, le soin qu’elles mirent à éviter l’hôpital nous paraît presque pardonnable. Mais ce qui ne l’est point, ce qui ne saurait l’être, ce que nous n’avons pu apprendre qu’avec une inexprimable surprise, c’est que Mlle Chmaltz, nous jugeant sans doute d’après une manière de penser qui n’était pas la nôtre, et ne croyant pas possible que les fautes de son père et la conduite inhumaine d’elle et de sa mère ne fussent pas un jour connues en France, se soit hâtée de prévenir cette publication, en écrivant à ses amis,