Page:Correspondance inédite (1870-1875) d'Arthur Rimbaud, 1929.djvu/18

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en disant qu’il corrobore mon opinion sur ce sujet, prétend même reconnaître une inspiration analogue dans certains passages de Jocelyn et d’Eloa. Plus proche encore de ma pensée est le livre de À. Rolland de Renéville sur Rimbaud le Voyant ; c’est d’ailleurs le seul ouvrage sur Rimbaud que je puisse admettre. J’attache une grande importance à ces témoignages.</ref> ou de Swedenborg. Il est bien étrange que Rimbaud omette de citer dans son énumération de « voyants » Gérard de Nerval, l’homme pendu par un fantôme, l’auteur des « Chimères » et d’« Aurélia », celui qui, avec Rimbaud lui-même, s’est le plus éloigné de la vie de son corps à la poursuite du rêve réel.

Je vois ensuite un enfant prédestiné, monstrueusement précoce, dressé contre tout par sa pure révolte, et d’une constitution physique très résistante, soudain élu, happé tout entier par un retour de flamme de l’Esprit, aspiré avec un hurlement immense parmi le silence des espaces. Et Rimbaud s’est donné tout entier, en faisant l’abandon le plus tragique de tout ce qui était sa vie individuelle pour devenir la voix de l’Esprit, le médium, la harpe de nerfs, le nouveau prophète pétri de véhémence et de colère, vivant de rage froide, consumé par le feu dévorant qui brûlait son sang, et parlant le langage inconnu du message.

Le caractère unique, irréductible, d’une absolue