Page:Correspondance inédite (1870-1875) d'Arthur Rimbaud, 1929.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sentant bien que toutes les forces de sa raison lucide, de son individu autonome ne suffiraient pas à le retenir jamais, il s’est jeté à corps perdu dans l’inconnu des rêves, des automatismes et des délires [1].

« Car je est un autre » et savamment il s’est changé pour pouvoir faire entrée dans l’inconnu. Puisque le domaine de l’Esprit ne pouvait pas pénétrer un seul instant dans la zone d’investigation de sa conscience, telle qu’elle était, il a voulu sortir des limites individuelles de cette conscience pour, devenu plus vaste, participer directement de l’Esprit, communier avec lui, enfin être cet inconnaissable que c’est la seule façon de connaître[2].

Ce fut le dur travail, la lente ascèse, l’effroyable destruction de lui-même se forçant à la soif et à la faim, demandant secours aux ivresses de l’alcool et du haschisch, s’appliquant à créer dans tous ses sens l’hallucination simple, volontaire d’abord, — puis subie. C’était le prix de son supplice, c’était la porte ouverte aux ravissements et aux extases. Il

  1. L’époque des Illuminations
  2. et le seul mode de connaissance qui échappe à la Critique de la Raison pure, ne l’oublions pas. Donc sa méthode, quel qu’en ait été le résultat, est, jusqu’à présent, la seule admissible.'