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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/348

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NOUVELLES LITTÉRAIRES

l’émulation. Ce qui fait le plus grand crime des enfants des souverains, l’attentat à l’autorité royale, ne fut en lui que le dernier effort d’une vertu consommée. La nation entière exigea de lui qu’il acceptât la couronne. L’éclat de ces offres le décida, mais il connaissait son père, il n’en ignora pas le danger. Il s’exposa courageusement à tout, non pas pour être le conquérant de sa patrie, mais pour en être le législateur ; il n’aspirait au premier titre que pour parvenir à l’autre ; un des plus grands princes qui aient été, s’il eût réussi, grand dans tous les temps et dans tous les pays par sa conduite et par ses vues.

Le fond de l’ouvrage que j’ai l’honneur de vous annoncer est peu de chose : c’est le détail des cruautés de Mouley-Ismaël. Ces barbaries surprennent parce qu’elles sont inouïes, mais elles n’intéressent point, parce que l’historien n’a pas le talent de narrer. La révolte de Mouley-Mahomet, qui fait comme la seconde partie de cette histoire, n’a rien de singulier ni de piquant. Vous serez encore moins content de la forme que du fond de l’ouvrage. Le style en est obscur et précieux ; les réflexions bizarres et déplacées ; les faits mal choisis et mal distribués. L’abbé de La Tour passe pour un homme qui a quelque esprit et point de goût. Je trouve que son livre répond à sa réputation.

— Les Observations sur les Grecs, que vient de publier l’abbé de Mably[1], méritent, je crois, une attention toute particulière. Cet auteur, qui a beaucoup de sagacité, examine comment l’empire de la Grèce a passé successivement aux Lacédémoniens, aux Athéniens, aux Thébains, aux Macédoniens, aux Romains ; dans quelle situation se trouvaient les différents États de la Grèce lorsque ces révolutions sont arrivées ; quels moyens on a employés pour procurer tous ces changements ; quel était le caractère des grands hommes qui ont conduit toutes ces entreprises ; enfin, ce qui aurait pu empêcher tous ces mouvements ou les rendre plus utiles. L’auteur a trouvé le secret de répandre dans son ouvrage beaucoup de grands principes de politique, des réflexions profondes, des raisonnements forts et convaincants. Je connais peu de livres où il règne une logique plus exacte et plus suivie.

  1. 1749, in-12.