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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/365

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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

qu’un vice : la bravoure et la lâcheté ; c’est qu’ils ont plus d’honneur que de vertu.

« Une naissance obscure est un obstacle aux occasions de la vertu : une naissance illustre est souvent un obstacle à la vertu même.

« Sacrifier sans cesse son amour-propre à celui des autres, voilà la meilleure définition qu’on puisse donner de la politesse.

« En général, les Français ont peut-être moins de défauts que les autres nations, cependant ils font plus de fautes de toute espèce. C’est qu’ils sont pour la plupart étourdis et indiscrets par trop de vivacité. Or, l’effet de l’étourderie et de l’indiscrétion, c’est de multiplier leurs fautes.

« Je demandais un jour à deux chartreux pourquoi ils avaient quitté le monde. Ils me répondirent que c’était parce qu’ils avaient tout ce qu’il fallait, l’un pour y plaire, l’autre pour y déplaire, et tous deux par conséquent pour s’y perdre.

« Un pauvre vertueux remerciait un riche vertueux, qui lui avait fait un don considérable. Celui-ci lui répondit : C’est Dieu seul que vous devez remercier, parce que c’est lui qui m’a donné et mes richesses et la volonté de vous en faire part. Pour moi, je vais lui rendre grâce de m’avoir fait connaître votre vertu et vos besoins.

« Il y a des gens qui n’ont plus d’esprit dès qu’ils sentent qu’on en a plus qu’eux. Quiconque les surpasse les anéantit.

« Je dis dans une compagnie : M.*** a de l’esprit, je dis dans une autre qu’il n’en a pas, et cela sans me contredire, sans mentir, sans tromper ceux à qui je parle ; au contraire, je les tromperais en leur parlant autrement. Ils n’ont pas, les uns et les autres, la même idée d’un homme d’esprit, ils prennent ces termes dans des sens forts différents. Je dois donc me conformer à leur dictionnaire, si je veux qu’ils m’entendent. »

— L’abbé Yart, de l’Académie de Rouen, vient de nous donner deux volumes de traductions des meilleurs poëtes d’Angleterre, sous ce titre : Idée de la poésie anglaise[1]. Ce traducteur ne connaissant pas, ou plutôt ne sachant pas rendre les beautés de la poésie, son style est ordinairement enflé lorsqu’il devrait être grand ; trivial, lorsqu’il devrait être simple ; forcé, lorsqu’il

  1. Ces essais de traduction comportent huit volumes (1749-1771).