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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/373

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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

ÉPITRE DE M. DE RESSÉGUIER, CHEVALIER DE MALTE, À DUFOUARD, CÉLÈBRE CHIRURGIEN DE M. LE COMTE DE CLERMONT.

Et tu Toi qui possèdes si bien
Et tu Le talent d’ouvrir les veines,
Et tu À tout l’art du chirurgien
Et tu Tu joins les notions certaines
Et tu D’Hippocrate et de Galien ;
Et tu reçus encor des mains de la nature
Un esprit vif, modeste, une douceur qui plaît,
Qui, de nos qualités, est l’unique parure
Et la seule qui manque aux talents d’Arouet.
Et tu Cher Dufouard, reçois cette épître,
Reçois ces vers sortis d’un cerveau languissant ;
Et tu Ils te sont dus à plus d’un titre,
Ils sont le faible fruit d’un cœur reconnaissant.
Et tu La lumière m’était ravie,
Je ne voyais déjà que l’horreur du tombeau,
Et tu Lorsque tu daignas de ma vie
Et tu Rallumer le triste flambeau.
Et tu Dans la vigueur de la jeunesse,
Et tu Touchant à mon dernier moment,
Et tu Pour mes amis, pour ma maîtresse,
Et tu Je n’avais plus de sentiment.
Tout s’éteignait en moi ; mon débile génie
Ne produisait plus rien que des fantômes vains ;
Je confondais Corneille et les fils d’Uranie
Et tu Avec les plus plats écrivains.
Cent fois avec plaisir, cent fois dans mon délire,
J’ai lu Moncrif, Le Blanc, le chantre d’Alaric,
Je croyais que Sophocle avait laissé sa lyre.
Et tu Au froid auteur de Chilpéric.
Je mettais Vadius beaucoup plus haut qu’Horace.
Et tu Ô Linant, je vous admirais !
Et tu Je faisais plus, oui, je pleurais
Et tu À la Venise de La Place.
De cet affreux état ton secours m’a sorti,
Tu m’as rendu ce goût, cette clarté divine
Qui me font admirer le chantre de Henri
Et mépriser le trait qui crayonna Nanine.
Et tu Dufouard, que ne te dois-je pas ?
Par tes soins assidus, par ton génie habile
Mes yeux verront encor les beaux yeux de Camille
Et tu Et jouiront de ses appas.