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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/389

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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

sentation d’une pièce nouvelle en un acte et en vers, intitulée la Ruse inutile. Voici l’idée de cette petite comédie, qui est de Rousseau, connu pour quelques autres ouvrages de ce genre qui ne valent pas mieux.

Argante, également riche et avare, se détermine à marier Isabelle, sa fille unique, par la persécution de Lisette. Cette suivante, qui est sûre et fort attachée à sa maîtresse, tâche de pénétrer les intentions d’Argante sur l’époux qu’il destine à sa fille. Ce qui fournit l’occasion de faire le portrait des différents prétendants. Cette scène n’est point amusante, parce que tout ce qui s’y dit est usé. Lisette est charmée d’apprendre que Cléon, amant préféré d’Isabelle, est le préféré parce qu’il est le plus riche, raison déterminante pour un père tel qu’Argante. Cléon survient. C’est un homme qui se pique d’une probité scrupuleuse, et il apprend à Argante qu’il est totalement ruiné par une banqueroute. Le vieillard le console, donne de grandes louanges à sa franchise et le quitte en l’assurant qu’il n’aura pas sa fille. Ce trait aurait été fort applaudi, si on ne s’était souvenu qu’il est dans Molière. Cléon reste fort affligé ; son valet Frontin lui fait des reproches sur sa délicatesse et offre de tout réparer par un stratagème qu’il vient d’imaginer. Cléon fait alors un grand étalage de probité et défend à Frontin, qui veut servir son maître malgré lui, de rien entreprendre. Il court chez Argante et le trompe en lui assurant que la banqueroute est supposée et que c’est une feinte de son maître, pour découvrir les sentiments de son futur beau-père, qu’il croit fort avare, et pour éprouver la tendresse d’Isabelle. Argante est intrigué du procédé de Cléon ; il en parle à sa fille, qui en est encore plus affectée. Le père se retire. Cléon vient faire des protestations de fidélité à sa maîtresse qui le reçoit avec beaucoup d’aigreur et lui demande son portrait. Cléon veut s’expliquer avant que de le rendre, et Isabelle s’en va sans le reprendre. Argante s’en prend à Frontin, contre lequel il a une si violente colère qu’il veut lui passer son épée au travers du corps. Argante est sur le point de se dédire, mais l’arrivée de sa fille, qui vient annoncer que le banqueroutier, touché de repentir, a rapporté tous les effets de Cléon, termine le mariage et finit la pièce, qui n’est pas mal écrite, mais très-froide, encore plus triste et sans aucune invention.