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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/418

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NOUVELLES LITTÉRAIRES

de M. Crébillon outrent la critique, ce qui arrivera toujours lorsqu’un auteur d’une grande réputation remettra au théâtre un sujet connu et dans lequel un tragique illustre a fait verser tant de larmes. On commence par juger le procédé avant de juger la tragédie, les premières impressions restent et, quand on refait, il faut faire mieux. Quoi qu’il en soit, voici de quelle manière M. de Voltaire a employé le sujet d’Électre.

Égiste, amant de Clytemnestre, ayant, de concert avec cette reine perfide, lâchement assassiné Agamemnon, devient possesseur du trône et de la femme de ce prince infortuné. Égiste, qui a d’un premier mariage un fils nommé Plisthène, veut lui assurer la couronne par la mort d’Oreste, fils unique d’Agamemnon. Électre, sa sœur, qui prévoit le nouveau crime de l’usurpateur, fait enlever de la cour Oreste qui est encore dans l’enfance ; elle le recommande aux dieux et à un sage gouverneur chargé de le conduire en des climats plus heureux et de lui inspirer des sentiments dignes de sa naissance. Égiste ne fait point mourir Électre, tant parce qu’il craint les nouveaux murmures du peuple que parce qu’il la destine secrètement en mariage à son fils qu’il fait adopter par Clytemnestre ; et, en attendant, il retient Électre dans les fers, craignant qu’elle ne réveille par ses plaintes et par ses cris le courage des sujets et des amis d’Agamemnon. Électre a une sœur cadette nommée Iphise, qui est encore fort jeune et pleine de douceur. Le tyran, qui connaît son caractère, permet qu’elle reste à sa cour. Pammène, vieillard plein de probité et ancien serviteur d’Agamemnon, s’attendrit avec Iphise sur son sort et sur celui d’Électre, et c’est ici où commence l’action. Iphise, qui ignore la part que Clytemnestre a eue au meurtre d’Agamemnon, conseille à sa sœur, qui survient, d’adoucir son caractère, de se plier à son état et d’engager Clytemnestre par sa soumission à changer son sort. Électre, qui ne respire que la vengeance, rejette avec indignation le conseil de sa sœur ; elle lui apprend tous les crimes de Clytemnestre, et lui fait une peinture effrayante de l’assassinat d’Agamemnon achevé de sa main. Elle en prend à témoin Pammène, qui ne confirme que trop son récit. Clytemnestre, qui commence à sentir des remords, agitée d’ailleurs par un songe terrible, vient chercher quelque consolation dans la compagnie de ses filles. Iphise se prosterne et la supplie de retirer sa sœur de