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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/433

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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

gnez-vous à moi, lui dit-elle, pour adoucir son caractère ; vous êtes prudent, vous méritez ma confiance, peut-être aura-t-elle plus d’attention pour l’amant que pour la mère ; je vous laisse. » Le comte flatte Julie sur sa beauté, elle n’en devient que plus froide, il fait ensuite le précepteur, ce qui donne occasion à Julie de découvrir tous ses sentiments en disant au comte : « Je déteste l’art, la parure, les grands airs, ce qu’on appelle la bonne compagnie, en un mot tous ceux qui vous ressemblent ; vous m’ennuyez et je n’ai aucune inclination pour vous. » Cette scène est vive et assez plaisante. La fermière d’Oronville, qui est nourrice de Julie, vient pour la voir et apporter de l’argent à son maître. Elle a amené avec elle Babet, sa fille, qui est de l’âge de Julie et d’une figure charmante, ses sentiments sont nobles, mais son caractère est doux. Elle a beaucoup profité dans le couvent où sa mère l’a fait élever ; enfin Babet est adorable ; Guéreau, qui la voit le premier, feint d’en devenir amoureux pour mieux cacher son mariage, mais il ne plaît point à Babet, qui a aperçu le comte destiné à Julie et n’a pu s’empêcher de prendre de tendres sentiments pour lui. Le marquis, informé des grâces de Babet, veut la voir et en est enchanté. Comme il pense que c’est un avantage pour elle d’épouser Guéreau, il propose le mariage. Babet dit franchement qu’elle n’en veut point. Le marquis, qui n’estime pas trop son intendant, lui reproche sa fatuité qui aura sans doute déplu à Babet. Il se plaint à part de la bizarrerie du sort, qui l’a fait père de Julie, tandis que la fille de la fermière mériterait d’être née d’un prince. Il va chez la marquise et, après lui avoir exagéré le mérite de Babet, il la conjure de la prendre auprès d’elle. Lisette, qui en serait bien fâchée, veut persuader à la marquise que son mari est devenu amoureux de Babet, elle débite ensuite beaucoup de lieux communs sur la tyrannie des hommes qui se font un honneur d’être infidèles à leurs femmes et se croient déshonorés quand elles prennent leur revanche. La marquise écarte tranquillement Lisette et lui dit que son mari est bien changé et qu’elle est à présent sûre de son cœur. Elle ordonne qu’on lui amène Babet. Lisette commence par maltraiter la petite fille et s’écrie ensuite, on ne sait pourquoi : « Qu’elle est belle, qu’elle est douce ! » Babet se jette aux pieds de la marquise, implore sa protection et se plaint avec feu des soupçons outrageants