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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/436

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NOUVELLES LITTÉRAIRES

LXVIII


Le chevalier de Solignac vient de nous donner cinq volumes d’une Histoire de Pologne qui en aura dix[1]. Ce qui paraît s’étend depuis la fondation de la monarchie jusqu’à l’année 1575. La suite, qui doit être et qui sera infailliblement plus intéressante, ne se fera pas longtemps attendre. L’auteur m’a assuré que son travail était fort avancé, et qu’il ne lui fallait pas plus d’un an pour finir.

Cet ouvrage manquait dans notre langue ; nous n’avions d’histoire de Pologne que celle de Massuet, qui est une rapsodie, et les Révolutions de l’abbé Desfontaines, qui sont d’une sécheresse extrême. Il est vrai que le sujet n’est pas trop intéressant en lui-même. On devrait attendre d’un peuple libre des scènes plus variées, plus singulières même qu’on n’en trouve dans l’histoire moderne ; mais l’auteur fait une histoire et non un roman. Il est malheureux pour lui et pour ses lecteurs que les Polonais aient été des hommes ordinaires, et qu’on ne remarque guère dans leurs annales que des actions d’imprudence ou de férocité.

Le talent de l’historien, qui est tout à fait indépendant du sujet, ne me paraît point méprisable. Sa narration est légère et agréable, mais surchargée quelquefois d’ornements et de beaucoup de détails inutiles. Ses réflexions sont plus ingénieuses que profondes ; on leur trouve assez souvent un petit air d’affectation ou de fausseté qui blesse les personnes un peu délicates. On sent bien qu’il a travaillé ses portraits avec beaucoup de soin, mais il lui a manqué de ces expressions de génie qui développent d’un trait une âme tout entière. Les harangues qui blessent dans les autres histoires sont bien placées dans celles de Pologne, et M. de Solignac leur a donné en général un tour fort noble. Son style sera loué et blâme. Les gens moins délicats ne le trouveront qu’ingénieux, mais il paraîtra précieux

  1. Elle n’en a que six.