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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/435

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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

pays étranger. La nourrice s’emporte et, tantôt en s’accusant, tantôt en s’excusant, apprend à Julie le secret de sa naissance. « Vous êtes ma fille, lui dit-elle, et Babet est la fille du marquis d’Oronville, c’est un échange que j’avais fait pour votre bien ; malheureuse que je suis, me voilà bien punie par ta conduite. »

Tu veux être Babet, et Babet tu seras.

La nouvelle Babet est enchantée et la nourrice pétrifiée. Guéreau, par les ordres de Babet, qu’il croit toujours Julie, n’ose emporter la caisse du marquis, et ne prévoyant pas l’orage, que ses dédains pour les femmes de la marquise vont lui attirer, il fait tous les préparatifs nécessaires pour sa fuite. Mais Louison qui l’épiait, cachée derrière un berceau, a entendu le complot et en a instruit le comte qui, après avoir exigé du marquis sa parole d’honneur de se contenir et de ne point maltraiter ceux qui le trahissent, lui apprend de toutes les vérités la plus terrible. Le marquis, plein de fureur, fait chercher partout son intendant. La nouvelle Babet a pris des habits qui conviennent à son état et débite de jolis vers sur sa situation. Elle maudit les pompons, les ameublements, les pierreries, tous les ornements de l’état qu’elle quitte. Cependant le marquis trouve Guéreau, qui, voyant son maître dans une colère extrême, prévoit son malheur. Il commence par nier son crime et consent d’être pendu si on peut le prouver. « Tu le seras », répond avec impétuosité le marquis. Tous les personnages nécessaires au dénoûment accourent au bruit qu’ils entendent, et tout se démêle heureusement par une nouvelle reconnaissance. Le comte épouse la modeste Julie, et l’on pardonne à la fermière et à Guéreau qu’elle accepte pour gendre.

Tout cet édifice porte sur ce fondement qu’un homme né de parents obscurs, quelque éducation qu’il reçoive, aura toujours de bas sentiments, et que celui, au contraire, dont le sang sera illustre, pensera d’une manière noble, quoiqu’il ait été élevé dans l’obscurité. Vous jugez bien que cette doctrine a également déplu aux roturiers, aux gens de goût et aux philosophes. Nos seigneurs, qui avaient été choqués de voir établir l’opinion contraire dans Nanine, auraient été fort portés à favoriser cette comédie, mais elle est si faiblement écrite qu’il n’a pas été possible de lui donner de la célébrité.