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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/442

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NOUVELLES LITTÉRAIRES

— Nous avons eu, le siècle dernier, en France une courtisane appelée Ninon de Lenclos. Sa profession ne l’empêcha pas de jouir pendant plus de soixante ans de la plus grande considération. Sa beauté, son esprit et sa probité sont encore célèbres. Cette célébrité vient de donner beaucoup de cours à des lettres qu’on a publiées sous son nom, quoiqu’elles ne soient point d’elle[1]. C’est son système sur l’amour, mais ce ne sont point ses grâces, sa volupté, sa finesse. L’ouvrage est pourtant écrit avec esprit, mais il est sec, trop soigné, rempli de lieux communs et de suppositions quelquefois ridicules. Si l’auteur de ces lettres ne voulait que faire du bruit, il a réussi ; si, par hasard, il a songé à se faire une réputation, il a été maladroit. On a attaché à la mémoire de Mlle de Lenclos une idée si avantageuse que je ne crois pas qu’il y ait personne en France capable de la soutenir.

M. Petit, le premier chirurgien de l’Europe et connu singulièrement par la connaissance qu’il avait des maladies vénériennes, est mort depuis quelque temps. Un plaisant lui a adressé l’épitaphe suivante :


Ci-gît, hélas ! dans cette fosse
Petit, qui guérissait la grosse.
Passant, qui y avez passé,
Priez Dieu pour le trépassé.

M. de Saint-Foix vient de donner une nouvelle édition fort augmentée de ses Lettres turques[2]. J’y trouve des pensées vraies, mais communes, des expressions assez faciles, mais peu énergiques, des ridicules bien vus, mais que tout le monde voit. Vous y trouverez plusieurs traits semblables à ceux que je copie.

« Il n’est pas aisé de démêler si les Français aiment véritablement les étrangers ou s’ils n’ont que la vanité, l’espèce de coquetterie de s’en faire aimer. Croiraient-ils que, par toutes sortes de bonnes façons, il faut tâcher d’adoucir le malheur d’une personne envers qui la nature a été assez marâtre pour ne l’avoir pas fait naître Française ?

  1. (Par Damours, avocat.) Amsterdam (Paris), 1750, 2 vol.  in-12. Fréquemment réimprimées.
  2. La première avait paru en 1730, in-12.