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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/449

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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

— Nous avons ici un jeune abbé, homme de qualité, qui prêche éternellement et qui ne prêche guère bien, témoin l’épigramme suivante, dont j’ignore l’auteur.


« Monsieur l’abbé La Tour du Pin
Aurait dû, dit certain caustique,
Apprendre un rôle d’Arlequin
Au lieu d’un rôle évangélique.
— Oh ! point du tout, dit un abbé,
Il aurait fait une sottise ;
Au théâtre on l’aurait sifflé ;
On ne siffle point à l’église. »

— Il vient de paraître un gros volume in-8o de lettres dont l’objet est de prouver que le clergé doit payer le vingtième de ses revenus, comme le reste du royaume[1]. L’auteur, qu’on soupçonne être M. Joly de Fleury, ancien procureur général du parlement, a traité à fond cette importante matière. Il résulte de ses raisonnements et de ses recherches que tout citoyen doit contribuer aux besoins de l’État à proportion de ses biens ; que le clergé a toujours rempli ce devoir essentiel jusqu’au temps de la Ligue ; que les usurpations que le fanatisme fit souffrir alors ne furent point autorisées ; que les déclarations du roi en 1711 et en 1726, pour dispenser le clergé du dixième et du cinquième, supposent des privilèges et ne les donnent pas ; que quand même on aurait eu la faiblesse d’accorder des exemptions, il faudrait les annuler comme contraires au bien du royaume. L’ouvrage finit par l’examen des remontrances que le clergé a faites au roi pour être dispensé du vingtième.

Ce livre, qui fait l’entretien de tout Paris et qui paraît autorisé par le ministre, est trop long. On y a entassé tous les faits essentiels et beaucoup d’inutiles. La liaison des choses y est toujours assez sensible. La logique en est très-bonne et le style seulement passable. Il y a apparence que le clergé, qui est assemblé depuis trois jours, fera répondre incessamment à un ouvrage qui sape toutes ses prétentions.

  1. Ce livre porte le titre singulier de Lettres : Ne repugnate vestro bono Londres (Paris) 1750, in-8. Rédigé à l’instigation de Machault par Daniel Bargeton, avocat, ce livre fut condamné par le parlement et mis à l’index. Voltaire a imaginé un Extrait du décret de la sacrée congrégation de Rome à l’encontre d’un libellé intitulé Lettres sur le vingtième.