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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/382

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justice, sans un défenseur des faibles, pourraient elles-mêmes s’égarer ; et il s’établit dans les finances de Votre Majesté un ordre immuable, si la confiance prend l’essor qu’on peut espérer ; si toutes les forces de ce grand royaume viennent à se vivifier, Votre Majesté jouira dans ses relations au dehors d’une augmentation d’ascendant qui appartient encore plus à une puissance réelle et bien ordonnée qu’à une autorité sans règle. Enfin, quand Votre Majesté arrêtera son attention ou sur elle-même, pendant le cours de sa vie, ou sur la royauté, pendant la durée des siècles, elle verra que sous l’une et l’autre considération elle a pris le parti le plus conforme à sa sagesse ; Votre Majesté aura le glorieux, l’unique, le salutaire avantage de nommer à l’avance le conseil de ses successeurs, et ce conseil sera le génie même d’une nation, génie qui ne s’éteint point et qui fait des progrès avec les siècles ; enfin les bienfaits de Votre Majesté s’étendront jusque sur le caractère national ; car, en le dirigeant habituellement vers l’amour du bien public, elle appuiera, elle embellira toutes les qualités morales que ce précieux amour inspire généralement. »

Il paraît impossible de faire concevoir à l’autorité souveraine l’idée d’un plus noble sacrifice, ou plutôt l’idée d’une plus noble conquête ; il paraît impossible encore de l’exprimer avec une éloquence plus simple et plus sublime.

Histoire secrète de la cour de Berlin, ou Correspondance d’un voyageur français, depuis le mois de juillet 1786 jusqu’au 19 janvier 1787. Ouvrage posthume. Deux volumes in-8o. 1789.

C’est peut-être le plus inconcevable et le plus audacieux libelle que l’on ait jamais osé publier. Nous ne nous permettons d’en parler ici que pour le dénoncer à l’indignation universelle. Il suffit de lire une vingtaine de pages de cette infâme correspondance pour voir que ce sont tout platement les dépêches que le comte de Mirabeau envoyait à M. de Calonne et à M. le duc de Lauzun pendant son séjour en Allemagne : ce sont ses chiffres en toutes lettres. Il paraît que le digne fils de l’Ami des hommes, l’écrivain-vierge, qui ne prostitua jamais ses talents, qui consacra toujours sa plume aux intérêts du bien public, n’avait pas dédaigné de se charger d’aller exercer à juste prix le métier d’espion subalterne à la cour de Berlin. Il paraît que ce qui avait déterminé essentiellement M. de Calonne à lui confier cette