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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/439

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gédia en lui conseillant d’aller passer quelque temps dans sa terre pour faire cesser quelques bruits qui perçaient sur l’intimité de leur liaison. En faisant ainsi dépecer par la reine ce collier de diamants dont la possession ne lui avait tenu si fort à cœur que pour en gratifier la prétendue agente de ses plaisirs, Mme de La Motte a voulu sans doute que ses lecteurs ne pussent soupçonner cette princesse de l’avoir renvoyée sans lui avoir payé ses gages. C’est un pareil acte de générosité qui termine dignement de tous les contes le plus ridicule. On revient ensuite au cardinal, à qui l’on attribue le conseil donné au sieur de La Motte d’aller vendre en Angleterre cette quantité de diamants pour dérober aux joailliers la connaissance du dépècement du collier. Nous ne suivrons plus ces Mémoires dans ce qui a rapport à l’arrestation de Mme de La Motte à Bar-sur-Aube ; il y a peu d’invention dans ce récit. Mais un trait rare et sublime qu’il ne faut point oublier, c’est l’intrépidité avec laquelle cette femme ose protester qu’elle eut le temps de brûler toutes les lettres originales de la reine à elle, mais que son mari a retrouvé les copies de celles de cette princesse et du cardinal, comme par miracle, dans un secrétaire à double fond. Enfin, de mensonges en mensonges, de contradictions en contradictions, Mme de La Motte arrive à la catastrophe qui a fait le dénoûment de sa lamentable histoire. Mais, vraisemblablement pour ne pas dégoûter ses lecteurs, elle passe sur son supplice un peu plus légèrement que ne le fit M. Charlot[1], et se plaint seulement dans une apostrophe très-pathétique de ce que la reine a pu laisser flétrir par la main du bourreau un corps qu’elle avait si souvent couvert des plus tendres caresses.

Mme de La Motte cède ensuite la plume à son mari pour nous raconter ses courses en Angleterre, en Irlande, en Écosse ; comme on a voulu l’assassiner une fois à Londres ; comme il a été empoisonné en Irlande, etc. Enfin il n’a dû la conservation de ses jours qu’à la protection immédiate du Dieu qui protège l’innocence et la vertu. La continuation de ces Mémoires ne rend point compte des moyens qui ont été employés pour faire sauver sa digne épouse de l’hôpital. Ces détails auraient été cependant plus curieux et plus piquants que ceux qu’il a imaginés avec tant de peine

  1. L’exécuteur des hautes œuvres, qui avait marqué la comtesse.