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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/440

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pour détruire les dépositions des témoins que l’on fit venir de Londres à Paris, et surtout plus intéressants que tous les rendez-vous que M. de La Motte assure sur son honneur lui avoir été donnés par l’ambassadeur de France, M. d’Adhémar, pour retirer la correspondance sur laquelle Mme de La Motte a fondé toute la fable de son roman. Ces deux époux infortunés terminent leur ouvrage par une invocation au roi, dont ils implorent la justice et même la pitié. Ils ne dissimulent point la profonde misère à laquelle ils sont réduits, et l’on se persuade aisément qu’il faut qu’elle soit aussi extrême que leur infamie pour les avoir aveuglés sur l’effet d’un libelle où les gens mêmes qui ont le plus de penchant à la malignité ne peuvent se donner le plaisir d’apercevoir comme une ombre de vraisemblance.

Quant au style, quoique d’un très-mauvais genre, il annonce un talent beaucoup plus exercé que ne pouvait l’être celui de M. et de Mme de La Motte. On a soupçonné M. de La Tour[1], ci-devant rédacteur du Courrier d’Europe, et à qui la cour de France a fait interdire, il y a quelques années, la rédaction de cette feuille. Mais, quelle que puisse être la réputation de M. de La Tour, on n’oserait garantir qu’il l’ait crue assez avilie pour prêter sa plume à la plus la plus ridicule, à la plus infâme production que le besoin d’argent, plus encore que la vengeance, ait jamais fait sortir de la presse. Sans compter les notes marginales ajoutées, dit-on, par M. de Calonne pour adoucir le scandale du texte, on a cru y reconnaître deux ou trois manières d’écrire bien distinctes.




AVRIL.

C’est le lundi 2 mars que fut représenté pour la première fois, sur le Théâtre-Italien, Raoul Barbe-Bleue, drame en trois

  1. Serres de La Tour. Mme Campan affirme dans ses Mémoires qu’elle a vu entre les mains de Marie-Antoinette un exemplaire du libelle de Mme de La Motte sur lequel M. de Calonne avait corrigé de sa main tous les passages « où l’ignorance totale des usages de la cour avait fait commettre à cette misérable de trop grossières erreurs ». — Voir sur la question toujours obscure de la paternité de ses Mémoires le long article des Supercheries littéraires sur les époux La Motte-Valois, et surtout les notes que M. Léon de La Sicotière a jointes au texte de Quérard.