Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/102

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Bossuet, on y trouve du moins quelques germes de talent, un style noble et aisé, et une manière qui, sans s’écarter de la décence rigide et souvent mesquine de la chaire, n’est pourtant pas celle d’un capucin. Dans un temps où le lieu saint retentit de tant de pauvretés, il faut savoir gré à un prédicateur de toutes les pauvretés qu’il ne dit pas. M.  l’évêque de Lavaur est fort jeune. Ce prélat est l’ami et l’émule de M.  l’archevêque de Toulouse. Ils ne passent pas tous les deux pour les plus croyants de l’Église gallicane. M.  l’évêque de Lavaur a aussi prononcé l’oraison funèbre de M.  le Dauphin devant les états du Languedoc, assemblés à Montpellier, mais il ne l’a pas fait imprimer.

— Le P. Élisée, carme déchaussé, est aujourd’hui de tous les prédicateurs de Paris celui qui a le plus de vogue et de célébrité. Ses sermons sont plutôt des discours moraux que chrétiens. J’en ai entendu où il n’y avait que du déisme tout pur, qu’on écoutait avec une grande componction, et qu’on aurait certainement trouvés remplis d’hérésies si un philosophe s’en fût déclaré l’auteur. J’en ai aussi entendu où il y avait des pages entières du Petit Carême de Massillon, et, puisque le P. Élisée met à contribution des sermons aussi connus que ceux-là, on est en droit de penser que des sermons moins connus en France, comme ceux de Saurin et d’autres, ne lui échappent pas. Quoi qu’il en soit, j’aime l’air pâle et apostolique du P. Élisée. Son éloquence n’est pas brûlante comme la prose de Jean-Jacques Rousseau ; mais il a de la netteté, de la sagesse, un style pur et concis, et on l’écoute avec plaisir. C’est d’ailleurs un homme d’esprit qui, hors de la chaire, a bien l’air de ne pas trop croire ce qu’il vous prêche. Il avait été appelé en Lorraine pour prêcher le carême devant le roi Stanislas. Ce prince étant mort pendant ce temps-là de l’accident qui lui est arrivé, le P. Élisée a été chargé de prononcer son oraison funèbre au service qu’on lui a fait dans l’église primatiale de Nancy, et cette oraison funèbre vient d’être imprimée. C’est la première fois que le P. Élisée se risque au grand jour de l’impression, et ce grand jour ne lui a pas été favorable. On a trouvé son oraison funèbre ennuyeuse, et, malgré la célébrité du nom de l’auteur, son ouvrage n’en a eu aucune. C’est que le grand jour de l’impression est un jour terrible où un ouvrage