Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/103

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n’a, pour se soutenir, que son propre poids et son seul mérite. Ainsi on se moque du P. Élisée, et, de carme qu’il est, on en fait un capucin, quand on lit dans cette oraison funèbre que Dieu voulait conduire Stanislas sur le trône par ces voies qui confondent notre prudence, et qui manifestent toute la profondeur de sa sagesse. Si ce n’était pas là une grande platitude, rien ne serait plus répréhensible que cette tournure et cet étrange abus de la parole. Rien n’est assurément moins merveilleux que la manière dont Stanislas fut fait roi de Pologne. Un philosophe qui connaît la nature humaine ne lui en fera pas un crime comme ferait un pédant ; il exigera seulement d’un homme assez ambitieux pour oser se frayer le chemin du trône, ou pour oser accepter de la main d’un prince victorieux le don d’une couronne, il exigera, dis-je, de lui d’assez grandes qualités pour la maintenir sur sa tête et pour n’être pas étonné de son poids. Mais qu’un moine vienne nous mettre sur le compte de la Providence et de sa sagesse éternelle que Stanislas ait osé violer le serment fait à Auguste, c’est se jouer étrangement et bêtement de ce qu’il y a de plus sacré parmi les hommes, c’est faire de la prétendue chaire de vérité la chaire du mensonge, titre que beaucoup d’honnêtes gens lui accordent pour d’autres raisons.

M. l’évêque de Lavaur s’est tiré de cette époque avec plus d’adresse et plus de décence. Il a dit tout simplement : « Ne renouvelons point d’anciennes querelles », et puis, apostrophant M. le Dauphin, il lui a dit : « Monseigneur, le sang de Stanislas et d’Auguste coule également dans vos veines, etc. » Cela s’appelle s’en tirer en homme d’esprit, et donner bonne opinion de soi aux gens qui vous écoutent, parce qu’ils voient que vous avez senti la difficulté comme eux, et que vous ne les prenez pas pour des oies.

Au reste, il paraît tous les jours des éloges historiques ou funèbres de Stanislas le Bienfaisant, et nous en avons au moins pour six mois encore avant que tous les faiseurs d’élégies aient fourni leurs amplifications. Il faut croire que ces pauvretés trouvent des lecteurs en province, car, à Paris, personne ne les connaît.

— Une bonne âme dévote, remplie de fiel, amère comme l’absinthe, pleine de bénignité pour les gens qui ne sont pas