Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/119

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c’est celle du chevalier James Macdonald, baronnet, chef de la tribu des montagnards d’Écosse de son nom, décédé à Frascati en Italie, le 26 juillet dernier, à l’âge d’environ vingt-quatre ans. Ce jeune homme vint à Paris après la conclusion de la dernière paix, et y passa près de dix-huit mois. Il étonna tout le monde par la variété et l’étendue de ses connaissances, par la solidité de son jugement, par la justesse et la maturité de son esprit. Pendant tout le temps que je l’ai connu, je n’ai jamais entendu traiter une matière à laquelle il fût, je ne dis pas étranger, mais sur laquelle il n’eût des connaissances rares. Tant de savoir et de mérite dans un jeune homme de vingt ans, de la plus noble simplicité de caractère, et exempt de toute espèce de pédanterie, ne laissait pas de choquer un peu, non‑seulement nos agréables à talons rouges, qui, lorsque le chapitre des chevaux, des cochers et de la pièce nouvelle est épuisé, n’ont plus rien à dire, mais en général nos gens du monde, qui, pour avoir vécu cinquante ou soixante ans, n’en sont pas moins ignorants. Mais leur humeur n’empêchait pas le chevalier Macdonald de vivre dans la meilleure compagnie de Paris, et d’y jouir d’une considération qui ne semblait pas faite pour son âge. Le chevalier Macdonald était roux et laid de figure ; il n’avait point de grâce ni d’agrément dans l’esprit ; l’effet qu’il faisait malgré cela prouve le pouvoir des qualités solides. Ce caractère d’esprit sérieux ne l’empêchait pas d’aimer la poésie, la peinture et la musique, et d’en avoir les meilleurs principes avec un goût naturel, excellent et de la meilleure trempe. Il est mort d’un anévrisme au cœur. L’état de sa santé ne lui a jamais permis d’espérer une longue carrière. Sa passion pour l’étude, et les fatigues d’esprit qu’elle entraîne, peuvent avoir contribué à abréger ses jours. Après avoir passé dix-huit mois à Paris, il s’en retourna en Écosse, respirer son air natal. Il en revint il y a précisément un an, et nous trouvâmes sa santé meilleure. Il partit pour l’Italie, où il vient de succomber, aux regrets de tous ceux qui l’ont connu. C’est un homme rare de moins. Il nous disait quelquefois qu’il avait un frère cadet qui valait mieux que lui, en quelque sens qu’on voulût prendre ce mot. Nous ne connaissons pas ce frère ; ainsi il ne peut nous consoler de la perte de sir James.

— Les pièces qui ont concouru pour le prix de la poésie