Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heureux, présentée par M.  Gaillard, si injustement couronné l’année dernière avec M.  Thomas. Tout ce qu’on peut dire de cette épître, c’est que M.  Gaillard est un gaillard bien triste : il ne voit partout qu’horreur, douleur et maux sans remède. Il saute d’objets en objets, et, à force de toucher à tout, il n’en rend aucun touchant. Son Épître finit par déplorer la perte d’une maîtresse que la mort lui a enlevée. On est un peu étonné de cette chute, après avoir vu le poëte occupé de tous les grands maux de l’univers. Ce morceau est bien faible.

Un autre accessit a été accordé à une pièce en vers intitulée la Rapidité de la vie. On la dit de M.  Fontaine, nouvelle recrue pour renforcer tout cet essaim de petits poëtes qui s’est formé à Paris depuis quelques années. Ce morceau est encore plus faible que l’Épître de M.  Gaillard. Morale triviale et commune que les bavards, qui se décorent du titre d’orateurs sacrés, ont coulée à fond depuis qu’il est d’usage de monter dans une chaire en forme de tonneau renversé, et de débiter une suite de lieux communs au peuple chrétien. Quelques beaux vers cependant. Ce M. Fontaine avait envoyé à l’Académie, pour concourir au prix, un autre Discours en vers sur la philosophie, et il vient de le faire imprimer. Tout ce qu’on en peut dire, c’est que M.  Fontaine a de bons principes et de bonnes intentions. Il voudrait faire rougir le genre humain de l’ingratitude dont il a toujours payé ses bienfaiteurs, ceux qui ont osé l’éclairer et combattre les préjugés funestes de leur siècle, dont le peuple, aveuglé et stupide, est à la fois le défenseur et la victime. Ce sujet est grand et beau. Pourquoi faut-il que le poëte qui a osé le choisir ne soit pas au niveau de son sujet ! Malheureusement les fautes d’un siècle ne tournent pas à l’amendement d’un autre. Ce n’est jamais que la postérité qui fait justice des Mélitus et Anitus ; et, lorsque les cendres du bon et du méchant, du sage et du fanatique, sont confondues, qu’importe au bonheur du genre humain cette justice inutile et tardive, si elle ne sert du moins à effrayer les Omer sur le jugement de la postérité ?

Un poëte qui ne se nomme pas a concouru au prix par une Épître à une dame qui allaite son enfant. Bavardage trivial, lieux communs qu’on sait par cœur, et que le coloris du poëte ne rend assurément pas intéressants. L’Académie a d’ailleurs publié un extrait de plusieurs pièces qui ont concouru pour le