Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/129

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— L’Académie royale de musique, d’ennuyeuse commémoration, vient de donner trois actes détachés et nouveaux, sous le titre de Fêtes lyriques[1]. Le premier, intitulé Lindor et Ismène, est du plus grand tragique. Vous y trouvez une victime, un orage, des combats, un tapage effroyable, enfin l’apparition d’un dieu pour mettre le holà. C’est un chef-d’œuvre de platitude dont les paroles sont de feu M. de Bonneval[2], intendant des Menus-Plaisirs du roi, et la musique d’un violon de l’Opéra qui s’appelle Francœur, et qui est neveu du directeur. Cet acte est tombé. Le second est un ouvrage posthume de Rameau. C’est peu de chose. Cet acte s’appelle Anacréon. On y voit ce poëte, dans sa vieillesse, s’amuser des amours de deux jeunes enfans dont le sort dépend de lui. Il fait croire à Chloé qu’il est épris d’elle, et Chloé n’a rien à refuser à son bienfaiteur ; mais cela la rend excessivement malheureuse, ainsi que son amant, le jeune Bathylle. Anacréon, après avoir joui quelque temps de leur inquiétude, les unit. Cela est froid, plat, sans finesse et sans grâce. Il fallait donner ce canevas à l’illustre Metastasio, qui en aurait fait une fête théâtrale charmante ; mais feu Cahusac, qui est mort fou sans avoir vécu poëte, n’est pas un Métastasio français. Il y a cependant des gens qui lui contestent la propriété de cet acte, parce qu’ils l’ont trouvé un peu mieux écrit que ses autres platitudes. Le troisième acte, c’est Érosine, qu’on a donné l’année dernière à la cour, pendant le voyage de Fontainebleau. Le poëme est de M. de Moncrif, lecteur de la reine, et la musique de M. Berton, frappe-bâton de l’Académie royale de musique. Cet acte est le meilleur des trois, et, grâce à des danses qui ne finissent point, il a réussi. M. Berton n’entend pas trop mal ce mauvais genre, dont le moindre tort est de ressembler à un centon rapporté de pièces et de morceaux. En mêlant des passages italiens, dont l’effet et l’harmonie font plaisir, au genre que Rameau a perfectionné, et qu’on nomme ballet dans le dictionnaire de ce théâtre, M. Berton réussit, mais ce n’est pas auprès de ceux qui savent ce que c’est que la musique.

— Lorsque les premières nouvelles d’une race de géants

  1. Représentées pour la première fois le 29 août 1766.
  2. L’Almanach des Muses de 1767 attribue au comte de Bonneval le second acte, et non le premier de ce divertissement, (T.)