Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Messance examine aussi s’il est réellement avantageux que le blé soit, comme on dit, à un bon prix, c’est-à-dire au-dessus de ce vil et bas prix auquel on l’achète dans les années abondantes. M.  Messance est persuadé que ce bon prix est un cruel impôt sur le menu peuple, c’est-à-dire sur le plus grand nombre. Tout ce qu’il y a de plus certain, c’est que la science du gouvernement est de toutes les sciences la moins avancée, que les problèmes politiques sont si compliqués, les éléments qui les composent si variés et ordinairement si peu connus, les résultats ainsi que la science des faits, la plus nécessaire de toutes, si hasardés et si arbitraires, qu’un bon esprit ne se permettra jamais de rien prononcer sur ces matières ; et quand vous aurez lu les Principes de tout gouvernement, ou Examen des causes de la splendeur ou de la faiblesse de tout État considéré en lui-même, et indépendamment des mœurs, qu’un auteur anonyme[1] vient de publier en deux volumes in-12, vous verrez que cette science difficile n’a pas fait un pas sous sa plume.

Quelle est donc la lumière qui guidera un grand prince au milieu de ces : ténèbres, s’il est vrai qu’il nous faut peut-être encore mille ans d’observations rigoureuses sur les faits pour connaître seulement tous les éléments et leurs différents degrés d’action qui entrent essentiellement dans la combinaison d’un effet politique ? Outre un esprit éclairé et juste, c’est l’énergie et l’élévation de l’âme. Cette grande âme du prince se répandra bientôt sur tous les ordres de l’État ; elle pénétrera dans toutes les parties de l’administration, et imprimera son caractère à tous les actes de son règne, de même qu’un prince d’une trempe commune plongera par sa pusillanimité, ses incertitudes et son inapplication, ses États et ses peuples bientôt dans l’engourdissement, c’est-à-dire dans la plus triste des situations où une nation puisse tomber.

Je ne puis quitter le livre de M.  de La Michaudière sans me rappeler l’aventure du chevalier de Lorenzi avec ce magistrat. Le chevalier de Lorenzi, frère de ce comte de Lorenzi qui a été si longtemps ministre de France à Florence, et qui est mort depuis peu ; ce chevalier, dis-je, est Florentin, et a servi en

  1. D’Auxiron. (B.)