Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Fontenoy, et en fait un tableau capucinièrement magnifique. Comme humain, il nous dit cavalièrement : « Messieurs, cherchez ailleurs qui vous aime ; il mourut l’autre jour à Fontainebleau. » Comme savant, il nous assure que monseigneur était le voyant de la cour de Versailles, et que, si nous consultons la pitoyable Envie, elle nous répondra qu’il en savait trop pour un prince. Quant à l’article de la religion, le point d’orgue du capucin est superbe : il prétend que ce sont les mauvais raisonnements des déistes qui ont fait mourir M.  le Dauphin de chagrin, et que si sa bouche est a jamais fermée, c’est moins par le silence de la mort que par le regret de n’avoir pu dicter l’arret du supplice des philosophes. Qui croirait qu’un aussi sage défenseur de la bonne cause, un capucin si chaud, si éloquent et si charitable, ait été traité comme un encyclopédiste ? À peine son oraison funèbre avait-elle amusé Paris pendant trois jours qu’elle fut supprimée par ordre supérieur : après quoi l’archevêque de Paris ôta au pauvre P. Fidèle ses pouvoirs de prêcher et de confesser. Le capucin, qui savait que tout Paris s’entretenait de son discours, ne put s’empêcher de dire à M.  l’archevêque : « Convenez, monseigneur, qu’il y a là dedans un peu de jalousie de la part de M.  l’archevêque de Toulouse ; » et, en s’en allant, il dit tristement : « On m’avait bien dit que le mérite supérieur était persécuté en France ; mais je n’ai pas voulu le croire… » En effet, c’est un étrange abus de l’autorité que d’interdire un pauvre capucin pour avoir fait de son mieux une oraison funèbre. Ce capucin était d’ailleurs un ardent défenseur de l’Église contre la philosophie de nos jours. Il avait fait, il y a quelque temps, un gros livre, sous le titre du Philosophe dithyrambique[1]. Personne n’avait lu ce gros livre ; mais l’auteur étant devenu célèbre par son oraison funèbre, on l’a cherché, et l’on a trouvé de quoi s’y amuser. Cela est plein de chaleur, et plaisant a force d’injures. Hélas ! est-ce la le salaire que devait attendre le défenseur de la cause de notre sainte mère l’Église ? Il a repris le chemin de Pau, sa patrie, où il aura le loisir de méditer dans sa cellule sur l’injustice et l’ingratitude du siècle.

L’oraison funèbre que M.  l’abbé de Boismont a prononcée en

  1. Voir tome VI, page 383.