Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/213

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toire réussissaient si peu dans le portrait. Pierre répondit : C’est parce que c’est trop difficile.

M.  Cochin a fait graver en manière de crayon rouge, par Demarteau, le dessin allégorique sur la mort de M.  le Dauphin, dont j’ai déjà eu l’honneur de vous dire un mot[1]. Cette estampe vient de paraître. En voici la composition. On voit en haut l’écusson du Dauphin. Il est rayonnant. Les rayons lumineux qui partent de l’écusson tombent sur un cortège nombreux de Vertus personnifiées, placées au-dessous, immobiles. On les reconnaît à leurs divers attributs, et on discerne entre elles la Justice, la Valeur, la Vigilance, l’Étude, la Prudence, la Pudeur, la Tendresse conjugale, et l’Histoire, qui a écrit dans un livre placé sur la poitrine du Temps, qui a les mains enchaînées derrière son dos. Ce cortège était dérobé à nos regards par un grand voile que la Modestie avait tendu, et qui cachait tout le tableau. La Mort a déchiré ce voile. On la voit parmi ses lambeaux à terre, tournant le dos aux spectateurs, et couverte d’un linceul, qui n’en laisse apercevoir que les extrémités. À côté d’elle, la Modestie, assise, la tête voilée, cherche encore à s’envelopper des lambeaux du grand voile déchiré. Elle tourne le dos au cortège de ses compagnes ; ainsi nous la voyons de face. C’est une belle figure. Elle fera bien de ne pas tourner la tête du côté gauche, parce que son nez donnerait droit dans le derrière du Temps enchaîné. Ce défaut de composition est choquant. On lit au bas de l’estampe ces deux vers tirés d’Ausone :

Nempe quod injecit secrela modestia velum
NempeScinditur, et vitæ gloria morte patet.


et au-dessous de ces deux vers latins, ce vers français, qui est de M.  Diderot :

La mort a révélé le secret de sa vie.

En général, ce morceau est froid et obscur. C’est un amas de figures pressées les unes contre les autres, sans action, sans mouvement. Comme on ne les voit que jusqu’aux genoux, elles ont l’air d’être fichées en terre comme des fleurs dans une cor-

  1. Grimm n’a parlé, plus haut, page 5, que très-sommairement de la vignette de Cochin placée en tête de l’oraison funèbre du Dauphin par l’archevêque de Toulouse.