Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/222

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absence qu’il en est redevable. Au reste, si sa tragédie du Triumvirat est faible, les remarques sur les proscriptions dont il l’a accompagnée sont excellentes. C’est un morceau que vous lirez avec grand plaisir, et qui peut, je crois, se soutenir à côté des meilleurs écrits de cet illustre auteur. Il n’appartenait qu’à lui d’associer les persécutions religieuses de nos siècles modernes aux proscriptions des Sylla, des Octave, des Marc‑Antoine, et de les intituler Des Conspirations contre les peuples. Cette seule inscription du dernier chapitre de ces remarques est d’un homme de génie.

— On vient d’imprimer à Paris une feuille intitulée Réponse de M.  de Voltaire à M.  l’abbé d’Olivet. Ce vieil académicien a fait faire une nouvelle édition de sa Prosodie française, ouvrage estimé. Il en a envoyé un exemplaire à M.  de Voltaire, et c’est ce qui a donné occasion à cette réponse, dans laquelle on trouve plusieurs remarques utiles sur la langue, des observations sur Quinault et Lulli, sur le style du philosophe de Sans‑Souci, sur les langues anciennes et modernes. Cela est écrit avec l’agrément et la grâce qui n’ont jamais quitté la plume intarissable du patriarche de Ferney. Ce qu’il dit sur Quinault et Lulli est de l’évangile de l’autre siècle, et a passé de mode depuis que M.  de Voltaire n’est plus en France. J’ose l’assurer qu’il est impossible de mettre en musique les vers harmonieux et sublimes de la première scène de Proserpine. j’ose soutenir encore que la poésie dramatique doit être essentiellement différente de la poésie épique. Tout poëte qui veut tirer ses sujets, pour le théâtre lyrique, des Métamorphoses d’Ovide, a déjà un projet absurde ; et s’il veut imiter jusqu’au style d’Ovide dans les pièces faites pour être représentées, il peut se vanter de n’avoir pas les premières notions du goût véritable. Si les vers harmonieux et sublimes de Quinault sont bons pour la musique, il faut prendre Metastasio et le jeter au feu. C’est une exécution que je ne ferai pas encore ce mois-ci. Notre patriarche n’entend rien en musique, et pas grand’chose en peinture ; mais son lot est assez beau pour qu’il puisse s’en contenter. On prétend qu’il fait actuellement un poëme burlesque sur les troubles de Genève ; c’est un peu trop tôt. Il faudrait que ces troubles eussent cessé, ou fussent près de leur fin ; peut-être les ridicule pourrait-il alors être employé avec succès contre les